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« Le risque principal, c’est l’embrasement généralisé”

Un spectaculaire exercice de sécurité incendie s’est déroulé lundi soir à la cathédrale de Clermont-Ferrand. Objectif ? Évaluer l’efficacité des dispositifs opérationnels en cas de catastrophe… Reportage.

Et si un incendie frappait la cathédrale de Clermont ? Evidemment, il faudrait agir. Et vite. La priorité, bien sûr, serait de secourir les victimes. De protéger la population. Il faudrait aussi évacuer

en lieu sûr les trésors de Notre-Dame, protéger ce qui doit l’être et circonscrire les flammes pour éviter toute propagation. Pas question de revivre le scénario cauchemardesque de “Notre-Dame-de-Paris”… Pour “tester” les équipes de secours, trouver des pistes d’amélioration et ne laisser aucune place au hasard, un exercice “grandeur nature” s’est déroulé lundi, en fin de journée.

La vraie-fausse alerte a été donnée à 19h18. Des flammes, forcément invisibles, ont été aperçues sur la toiture, au-dessus de la rosace. Sur la place de la Victoire, la préfète Anne-Gaëlle Baudoin-Clerc et le maire Olivier Bianchi assistent aux opérations. A leurs côtés, de nombreux pompiers et policiers. Tout ce petit monde est affublé de gilets jaunes (les fameux) ou oranges (moins connotés.) Une dizaine de journalistes couvrent l’événement. Le secteur est bouclé. 37 engins sont prêts à intervenir…

“Ne pas diffuser de fausses informations”

Une telle agitation ne passe pas inaperçue. De nombreux badauds s’interrogent. Certains dégainent leurs appareils photos, au cas où… Quelques jours auparavant, le préfecture avait pourtant prévenu les médias, via un communiqué. “Malgré les moyens déployés, il s’agira bien d’un exercice, les habitants sont donc invités à ne pas diffuser de fausses informations quant à la situation et à respecter les périmètres d’action et les consignes des forces de l’ordre pour leur sécurité et celle des participants.

La tension ambiante ne semble pas atteindre les pompiers, qui affichent un sang froid très professionnel. “Nous sommes toujours sereins dans un exercice, car c’est le seul moment où nous avons le droit de nous tromper. Au pire, on fait des erreurs, mais ce n’est pas grave. Il vaut mieux les faire aujourd’hui qu’en situation réelle” soulignait, juste avant le début des opérations, le lieutenant-colonel Christian Rodier du SDIS du Puy-de-Dôme (Service Départemental d’Incendie et de Secours.)

Deux grandes échelles déployées

Les deux premiers camions arrivent plus tard que prévu, gênés par des véhicules mal stationnés sur les petites rues de la butte centrale. A 19h45, deux  grandes échelles sont déployées. Tout se passe dans le calme. Aucune sirène n’est déclenchée. Sur leurs nacelles, alors que la nuit tombe, les soldats du feu arrosent un incendie invisible. Des trombes d’eau bien réelles se déversent sur le trottoir. “A Paris, il y a la Seine. A Clermont, l’accès à l’eau est plus compliqué” rappelle Christian Rodier. Pour atteindre les flammes, l’autre solution aurait été de monter sur la tour de la Bayette ou dans les flèches. Mais les escaliers sont particulièrement exigus… et plongés dans le noir. Pas facile de grimper là-haut avec tout le matériel.

Le poste de commandement est basé sur la place de la Poterne. C’est ici, dans un camion prévu à cet effet, que les décisions sont prises. Jean-Philippe Rivière, contrôleur général du SDIS, se veut rassurant : aucune victime n’est à déplorer.

En revanche, l’incendie n’est pas encore maîtrisé. Il est même particulièrement violent. “Le risque principal, c’est l’embrasement généralisé de la toiture, composée de bois et de plomb. Le deuxième point, c’est le vent qui se dirige vers la ville. Inévitablement, il va y avoir des fumées. Je propose de mettre en place une évacuation prévisionnelle des populations qui se situeraient à l’ouest de la cathédrale, du côté de la rue des Gras”.

Soucieuse du bon déroulé des évènements, la préfète s’interroge sur le risque de pollution. Sans doute pense-t-elle à Notre-Dame-de-Paris. Ou à Rouen ? Après une seconde d’hésitation, le chef des pompiers répond qu’un “réseau de mesures” sera bien mis en place. Ouf…

Les œuvres protégées ou évacuées

Au sein de la cellule de crise de l’Hôtel-de-Ville, chacun s’affaire à sa mission, sous l’œil attentif d’Olivier Bianchi et de son entourage. Cyril Cineux, son adjoint, est là aussi. Sur le chemin du retour, nous croisons des pompiers et des policiers qui emmènent en lieu sûr les œuvres patrimoniales “majeures”. Un plan de sauvegarde a été mis en place, en accord avec le Direction Régionale des Affaires Culturelles. Pour des raisons de sécurité, l’adresse de dépôt est tenue secrète.

Faute de mieux, les pièces inamovibles sont protégées de l’eau grâce à des bâches. Le père Paul Destable, qui connaît tous les secrets de cette vieille dame drapée de lave, rappelle que les vitraux et les rosaces en sont “les grands chefs d’oeuvre”, avec les deux statues de Notre-Dame de l’Assomption et le candélabre de Caffiéri.

La fin de l’exercice prend fin autour de 21 heures. Globalement, tout s’est bien passé.  “Nous sommes assez satisfaits. Une centaine de pompiers ont découvert cet édifice. Nous avons pu mettre en oeuvre un certain nombre de pratiques. Le bilan est donc très positif, même s’il reste des points à améliorer” conclut le lieutenant-colonel Christian Rodier. En haut de la tour Bayette, des pompiers profitent un instant de la vue imprenable sur la ville. La nuit est tombée. Les flèches de Notre-Dame sont intactes. 

 

Sécurité : enfin un avis “favorable”

Jusqu’ici défavorable, l’avis de la commission de sécurité concernant la cathédrale vient d’être levé, suite à la mise en place d’actions “correctives.” Ces opérations ont coûté plus de 1,35 millions d’euros. La réouverture de la tour de la Bayette devrait intervenir au printemps. Par ailleurs, 6,5 millions d’euros seront investis “a minima” entre 2021 et 2023 dans le cadre d’une restauration générale. En raison de problèmes électriques, la cathédrale ne sera plus éclairée la nuit, pour une durée encore indéterminée.

Photos: Emmanuel Thérond.

 

 

À propos de l'auteur

Emmanuel Thérond

Titulaire d'un Master en Littératures Modernes et Contemporaines, Emmanuel Thérond est journaliste en Auvergne depuis 2004. Il a commencé sa carrière à La Montagne, avant de rejoindre la rédaction d'Info Magazine, où il a travaillé durant 15 ans. Il écrit également pour la presse professionnelle, en particulier Le Moniteur du BTP, dont il assure la correspondance locale. Depuis 2019, il signe dans Le Parisien - Aujourd'hui en France.

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