Juriste, juge, spécialiste du droit de la famille, président et co-fondateur du mouvement Convention, vie et Nature, Gérard Charollois est un militant acharné de la cause animale. Et il porte régulièrement ce combat sur le plan du droit. A Clermont, à l’invitation de l’association La Griffe, il évoquera la chasse, cette pratique qui, en France, débouche sur la mort de 45 millions d’animaux sauvages par an. Un vrai massacre…L’auteur de Pour en finir avec la chasse- la mort-loisir, un mal français développera ses arguments et rencontrera le public, samedi 6 octobre à l’Espace Georges-Conchon, après la diffusion du film Chasseur, tueur, imposteur? de Kate Amiguet.
7 Jours à Clermont: Les chasseurs s’estiment les héritiers d’une tradition. Ils affirment participer à la bonne gestion de l’environnement. Quel est votre point de vue…
Gérard Charollois: En réalité, la chasse est à la source de trois problèmes distincts. D’abord, et ça n’est pas le moindre, elle pose un problème d’ordre moral. La relation homme-animal est aujourd’hui beaucoup débattue, remise en cause, elle engendre des questions philosophiques, traverse nos sociétés, avec des courants comme le véganisme, le spécisme etc La chasse, elle, est à part. C’est l’acte de tuer, de détruire, uniquement à des fins ludiques, par plaisir. Elle ne s’explique par aucune nécessité sociale ou sanitaire. Toute autre explication ou justification est un maquillage. On tue pour se distraire. C’est la rencontre inadmissible, immonde entre le plaisir et la mort, la distraction et la souffrance…
7JC: Quel est donc le deuxième problème que vous soulevez?
G.C: Il y a l’aspect écologique. Les chasseurs disent « nous sommes des gestionnaires de la nature. » En réalité, toutes les espèces animales se portent mal dans nos pays. Lorsqu’on parcourt les campagnes, c’est le désert. Les études révèlent qu’en 30 ans, 80% des insectes ont disparu, que les mammifères se raréfient, que les populations d’oiseaux régressent. Or, la chasse est la première cause de cette disparition massive. Si le loup, avant qu’il ne soit réintroduit, si le lynx, si l’ours des Pyrénées ont disparu, c’est parce qu’ils étaient chassés. La chasse est un désastre écologique, elle terrorise, sacrifie les petits carnivores… Du coup, les chasseurs « artificialisent » la nature, ils lâchent des faisans, des perdrix élevés, entretiennent artificiellement des populations de sangliers. Ils alimentent ainsi leur stand de tirs.
7JC: Et le troisième point…
G.C: C’est un problème politique. La chasse pèse d’un poids excessif, considérable sur l’appareil d’état. En 1976, on comptait en France 2,5 millions de chasseurs, aujourd’hui ils sont moins d’un million, même s’ils tentent par tous les moyens de masquer cette chute brutale de leurs effectifs. Alors pourquoi pèsent-ils si lourds, pourquoi les hommes politiques vont-ils faire la danse du ventre devant les présidents des fédérations? C’est parce que la chasse est structurée en un puissant lobby à partir d’une organisation qui remonte à 1941 et au Maréchal Pétain. Ainsi, il n’est pas possible de chasser si vous n’appartenez pas à une fédération unique. D’où l’omnipotence de cette structure. Un sondage réalisé récemment indique que 84% des Français sont pour l’abolition de la chasse à courre et 82% pour l’interdiction de toute chasse le dimanche. Mais les hommes politiques mangent dans la main des chasseurs.
7JC: Eu cet égard, l’actuel gouvernement paraît particulièrement pro-chasse…
G.C: C’est une réalité. Le président Macron est très familier de la chasse. Sa famille est liée à la vénerie, il soutient la chasse à courre et son environnement proche est rempli de chasseurs. D’autre part, il a cru faire plaisir aux campagnes en prenant un certain nombre de mesures, comme la diminution du coût du permis de chasse. Mais il a une image très rétrograde, et un peu méprisante, des territoires ruraux. Il ne faut pas croire que les habitants des campagnes soient aujourd’hui majoritairement pour la chasse. Les hommes politiques ont 50 ans de retard sur l’état réel de l’opinion publique.
7JC: La chasse aujourd’hui, ça n’est pas seulement les coups de fusil. Il reste des pratiques encore plus barbares…
G.C: Il existe, en effet, des tas de dérogations, d’autorisations spécifiques selon les territoires. Partout, il y a un sénateur du coin qui va défendre sa pratique: le massacre des oiseaux de jour et de nuit, celle des alouettes capturées avec des filets dans le sud-ouest, l’emploi de lecques, des pièges à oiseaux, en Aveyron et dans la Lozère ou en Provence, l’autorisation de la capture avec de la glu… Le catalogue de la cruauté est presque sans limite..
7JC: Existe-t-il, selon vous, des pays modèles en matière de chasse?
G.C: En tous cas la France est le pire en Europe, avec peut-être Malte. Partout ailleurs, la chasse est beaucoup plus limitée, beaucoup plus réglementée. Il faut savoir d’ailleurs qu’un chasseur européen sur quatre est Français… Cela en dit long sur le retard de notre pays.
7JC: Une grande manifestation anti-chasse se déroulera prochainement. Pouvez-vous nous en dire quelques mots?
G.C: Ce sera le samedi 13 octobre, en début d’après-midi, place de la République à Paris avec pour mot d’ordre La chasse y’en a marre. Énormément de mouvements et d’associations de protection de la nature et de défense des animaux sont à l’origine de cet événement.
7JC: Gardez-vous de l’espoir pour l’avenir malgré l’état actuel des choses?
G.C: Les chasseurs vont finir par disparaître, faute de combattants. Roselyne Bachelot, qui fut la pire des ministres de l’environnement, très pro-chasse et corrida, disait elle-même lorsqu’elle était au gouvernement: « dans trente ans, les chasseurs auront disparu. » Mais dans quel état sera alors la nature? Aujourd’hui, la faune se réduit comme une peau de chagrin, les espèces animales se meurent. Les autoroutes, les lignes TGV, l’urbanisation, les pesticides: en réalité, le monde moderne est très hostile à la nature. Elle s’éteint à petit feu. Et la biodiversité est le parent pauvre des politiques environnementales.
« Ethique et chasse : deux inconciliables » samedi 6 octobre à 15h à la salle Georges-Conchon, rue Léo-Lagrange à Clermont; projection du film « Chasseur, tueur, imposteur? », documentaire de Kate Amiguet puis débat avec Gérard Charollois. Entrée libre.
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