Didier Veillaud était parisien. Devenu clermontois depuis 25 ans, il le reste, viscéralement. Il a dirigé la Coopérative de Mai avant de poursuivre son engagement dans d’autres projets. Il parle de Clermont avec enthousiasme, avec gourmandise. Bien sûr la culture tient toute sa place dans l’observation des changements qu’il observe. Mais en toile de fond, comme pour l’avenir, c’est plus largement l’embellissement, l’aménagement de la ville et le foisonnement des rencontres entre ses habitants qui l’animent.
7 Jours à Clermont l’a rencontré, place du 1er mai, en pleine préparation d’Europavox.
Didier Veillaud, toujours là, 25 ans après
Éric-Marie Gauthey : Didier Veillaud, vous n’êtes pas clermontois ?
Didier Veillaud : Non, je suis parisien. Je suis arrivé en 1999. Je ne connaissais vraiment personne à Clermont. Tout allait très bien à Paris, je m’occupais d’une salle de concert, de festivals, de groupes…
Et puis j’ai vu cette annonce, dans Télérama, de la ville de Clermont-Ferrand qui cherchait un chef de projet pour sa salle de musiques actuelles. J’en ai parlé avec ma femme et nous voilà partis. Il y avait une ambition forte. Je suis venu pour cette une ambition. J’ai accompagné, sur la fin, le projet lui-même avant d’en devenir directeur. Je ne pensais pas rester longtemps. Et je suis toujours là 25 ans après.
É-M. G : C’était comment Clermont en 99 ?
D.V : Franchement, c’était triste (…). J’ai eu un peu le blues à vrai dire mais je suis très vite rentré dans le projet professionnel. J’ai vite senti qu’il y avait une belle carte à jouer, l’ambition possible de pouvoir faire la plus belle scène de musiques actuelles en France, et à Clermont qui plus est, qui n’est pas la plus grande ville de France. J’ai senti une écoute, une confiance. J’avais l’expérience et l’envie. Je sentais pouvoir convaincre (…). La salle est exceptionnelle, sur un lieu d’histoire que son nom, la Coop de mai, rappelle. Et puis il y a le Polydôme, alors encore récent, les travaux du tram qui n’ont pas tardé, c’est-à-dire des exemples de transformation de la ville. La Coopé est aussi en centre-ville. Ce n’est pas si courant, sans déranger personne et avec le tram au bout. Presqu’un idéal ! On sortait de cette image noire et triste.
Une profonde transformation de la ville, un mouvement d’ensemble
É-M. G : Justement, en 25 ans, qu’est-ce qui a vraiment changé dans cette ville ?
D.V : C’est peut-être prétentieux mais je crois vraiment que la Coop de mai a largement participé d’une profonde transformation de la ville. On a eu la confiance des Élus pour soutenir cette réalisation, cette ambition. On a une des plus belles scènes qui soit. On a reçu les plus grands : Bashung, Christophe, Mathieu Chédid…
Il importe aussi de rappeler que des bases existaient. Il y avait un environnement actif dans le rock, dans le cinéma avec le Court métrage. (…). La Coop de mai n’a pas soustrait mais ajouté. C’est un mouvement d’ensemble (…) et la Coopé en est un marqueur, populaire.
É-M . G : Dans la vie quotidienne, qu’est-ce qui a changé ?
D.V : Bon, devant chez moi il y a des travaux partout. C’est Verdun. Mais ce n’est pas grave. Dans quelques mois j’aurai un bus qui m’amènera toutes les 5 minutes au centre-ville, au Zénith. C’est génial ! Je suis fan de Clermont, même si je bouge beaucoup, à Nantes, à Lyon, à l’étranger. Je suis bon client !
É-M . G : Comment aimer Clermont quand on connait le reste du monde ?
D.V : Bien sûr, dans les grandes métropoles, on ressent la profusion, plus fortement. Mais justement, ici, cela reste à taille humaine. Regardez la librairie Les Volcans, une SCOP qui plus est, et c’est à Clermont et ils vont ouvrir un café qui va amener plus d’échanges, de rencontres, de plaisir. Clermont est aussi à « cinq minutes » de son environnement naturel, c’est fabuleux !
Et puis je vois tout ce qui s’est fait, la Comédie, ce qui va se faire, la grande bibliothèque. On ne se rend pas toujours compte de l’importance de ces réalisations ou projets.
On est aujourd’hui à la veille de l’ouverture du festival Europavox, un festival en centre-ville, sa 20 e édition, avec 45 000 spectateurs en trois jours, un public très varié, jeune ou moins, des artistes têtes d’affiche mais aussi des nouveaux, qui démarrent, de toute l’Europe. Et c’est à Clermont (…).
Clermont ? comme les plus grandes, mais à taille humaine
É-M . G : Une ville, une agglomération qui a aujourd’hui la même chose que les plus grandes, mais à taille humaine donc. Que manque-t-il, que reste-t-il à faire ?
DV : Poursuivre ! Les travaux, bien sûr, ça em… tout le monde. Mais ils passent. Et lorsqu’ils s’effacent on voit une place qui ressemble à une place, avec des arbres, avec moins de voiture, plus de transports publics, plus de vélos. Et ça marche. Je le vois bien avec les personnes qui travaillent ici et leurs choix de mobilité. Il faut continuer parce qu’en plus ça permet d‘embellir la ville.
Je dis souvent à ceux qui ronchonnent (il y en a !) : vous êtes allé voir ailleurs ?
J’ai la chance d’avoir été au cœur du projet de la Coopé, d’avoir proposé des afters, de la médiation avec les plus jeunes, des résidences d’artistes… d’avoir bougé les lignes. Et ici, les rapports sont proches, les contacts rapides (…). Parce que de tels projets ont réussi, cela permet de générer de l’activité (économique) aussi, du dynamisme. Europavox, c’est six salariés mais jusqu’à 500 personnes au moment du festival !
É-M . G : Vous ne dirigez plus la Coopé depuis deux ans, la flamme vous anime toujours ?
D.V : Je reste impliqué dans Europavox mais, surtout, dans deux projets sur le territoire de Cataroux-Les Pistes où un nouveau projet d’ensemble se met en place sous la houlette de Michelin. Mon engagement porte sur le site des Pistes, aux côtés de l’Aventure Michelin II et d’une nouvelle salle de spectacles.
É-M . G : Une nouvelle salle, ce n’est pas concurrentiel de l’existant ?
D.V : Non. D’une part les équipements existants sont souvent complets et des événements doivent être refusés. D’autre part, cette salle est plus tournée vers de nouvelles offres, différentes et difficiles aujourd’hui à accueillir, autour du théâtre, de la danse, du cirque ou du stand up (…) pour une programmation complémentaire de celles de la Comédie ou de la Maison de la Culture.
Sur le site des Pistes, on va mettre en place un tiers-lieu, à l’image de ce qui existe en France dans d’autres – grandes – villes.
Un tiers-lieu mélange en fait des fonctions. C’est un lieu hybride, de vie et de rencontre, de travail aussi, sur 3 000 m2. On y mêle restauration, bars, performances, ateliers d’artistes, boutiques (…).
À côté, on projette aussi dans un autre bâtiment un restaurant et une école de cuisines du monde éphémères avec un espace pour le voyage, des conférences… ce n’est pas sans lien avec l’histoire de Michelin, de son impact sur le voyage avec ses cartes routières, ses guides.
É-M . G : Qui est porteur de ces projets ?
DV : Un collectif, construit à cet effet de plusieurs acteurs, en relation évidemment avec Michelin (…). On va aussi s’entourer d’autres structures, associations pour des concours de skate pour les enfants, de performances avec une compagnie de danse, d’animations, de formations ou conférence en lien avec la rouleuse (des Pistes) dont l’espace est magnifique, qui compose comme un amphithéâtre.
L’économie du projet pour le périmètre qui me concerne reste la restauration mais aussi la location en direction des entreprises.
Il y a en fait peu de tels lieux, d’une telle ampleur en France. On pense à la Belle de Mai à Marseille, aux halles de la Cartoucherie à Toulouse, à la Communale à Saint-Ouen…
On parle aujourd’hui de changements, à venir, on y est, avec le PIC, tourné vers l’activité économique, avec le réaménagement de Cataroux, de tout le quartier en fait. Sans oublier le sport avec le projet de cité du mouvement porté par l’ASM Omnisport, un projet innovant en lien avec le CHU.
É-M . G : Quelle est l’échéance ?
D.V : Pour que tout soit finit, 2029. Mais on a proposé, dans le cadre du chantier de préparation du site, d’avoir une sorte de maison de chantier, ouverte, pour montrer de manière active l’ensemble des projets qui se montent ici (…). C’est quand même une histoire de dingue, un projet d’ensemble extraordinaire, sur des hectares et des hectares.
Je suis fier et chanceux de participer à un tel projet, après avoir vécu et mené celui de la Coop de mai. Dans les deux cas nous sommes aussi sur des lieux d’histoire de la ville, de la métropole. Cette mémoire nourrit d’ailleurs les échanges avec toutes personnes auxquelles on évoque le projet (…).
Finalement, œuvrer à plus de rencontres, d’échanges, de bonheurs, de création c’est aussi faire pièce aux ronchons, sur fond de culture, mais pas que. Ça me motive, sans ignorer les réalités (financières notamment), les difficultés. Mais on trouve des solutions (…).






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