En préambule, il convient de rappeler que chaque pays organisateur peut intégrer 5 sports additionnels qui s’ajoutent à la liste des 28 sports ‘’officiels’’, et qu’à Tokyo, du 24 juillet au 9 août prochains, ces 33 sports généreront 47 disciplines.
Coup de fraîcheur sur les Jeux
Le choix du CO japonais, validé en 2016 par le CIO, s’était porté sur le retour du baseball (et sa version féminine le softball) et sur quatre nouveautés : karaté, escalade, surf et skateboard.
Si le karaté apparaissait bien dans la culture nippone, les trois autres innovations semblaient répondre au souhait de Thomas Bach, président du CIO, de moderniser le programme olympique en « rafraîchissant et rajeunissant » l’évènement.
A cet égard, les J.O d’hiver avaient déjà franchi le pas en ouvrant la porte aux big air, slopestyle, snowboardcross et autre halfpipe…
Surfant sur cette vague de ‘’jeunessitude’’, le Comité d’Organisation des Jeux de Paris ne surprit qu’à moitié son monde en confirmant pour 2024 l’escalade, le skate et le surf.
Le baseball écarté, restait donc théoriquement deux places que le karaté, promu à Tokyo, et la pétanque, institution nationale, convoitaient légitimement.
Le squash, le ski nautique ou la pelote basque (olympique aux J.O de 1900) étaient aussi sur les rangs mais bon… !
La pétanque sur le carreau
Et voilà que, foin de karaté et de pétanque, notre COJO annonçait que le quatrième et dernier élu se nommerait ‘’breakdance’’.
Breakdance ? kézako ? dirent les vieux, dont on sait qu’ils sont de plus en plus nombreux que les jeunes d’où le problème des retraites…mais là n’est pas le propos !
Quatre années de lobbying mené par la Confédération Mondiale de Sports de Boules et son président français Claude Azéma, revendiquant deux millions de pratiquants dans 165 pays, n’avaient donc pas suffit à ce que la boule puisse toucher au but, même en proposant un aménagement des épreuves.
« Pourquoi pas la pétanque ? s’agacent encore les 300 000 licenciés fédéraux, et pourquoi le curling (sport olympique à part entière) qui n’est jamais que la pétanque des sports de glace ? »
Pas faux bien sûr ! Mais s’il est vrai qu’à 28 ans le pétanqueur manceau multiple champion du monde Dylan Rocher possède un profil ‘’à la mode olympique’’, l’image moins ‘’djeune’’ et parfois briochante des stars de la boule n’est sûrement pas en phase avec la politique du CIO.
« Il faut se connecter aux sports qui cartonnent partout dans le monde pour apporter aux Jeux une dimension plus urbaine… » justifie Tony Estanguet, ex champion olympique de canoë-kayak et patron du Comité d’Organisation de Paris 2024.
Bref, pour la pétanque, le rêve olympique est passé ; et tant pis pour les médailles qui nous étaient promises.
Peut-être aussi qu’une compétition de pétanque n’était pas à même d’être suffisamment ‘’payante’’. Car les J.O, c’est quand-même quelque part une affaire de gros sous. En témoigne le retour en grâce (provisoire) du baseball à Tokyo qui a déjà généré 50 millions de dollars de recette en billetterie. Les choix ne sont pas qu’affaire de philosophie.
Karaté ou cas raté?
Les plus remontés dans cette affaire sont les karatékas dont le président fédéral Francis Didier ne désarme toujours pas :
«Le CIO veut des jeunes ? Nous en avons 120 000 sur 250 000 licenciés répartis dans 5000 clubs partout en France. On nous bassine avec les nombres de médailles à obtenir en 2024 alors qu’on écarte le karaté dont l’équipe de France finit toujours à l’une des trois premières places. »(1)
Depuis l’annonce au printemps 2019, la FFK, selon l’expression en vogue, ‘’ne veut rien lâcher ’’. Au point que tous les parlementaires français ont reçu une ceinture de karaté en espérant qu’eux et le ministère des sports se mobiliseront pour un revirement.
L’opération ‘’Belt of hope’’ bat toujours son plein, soutenue par la fédération mondiale de karaté forte de ses 10 millions de licenciés. Un baroud d’honneur ?
Quand Francis Didier conclut « qu’en fait, le but du COJO est d’avoir un spectacle de rue ! », il touche à la réalité, celle des droits TV.
En acquérant la diffusion des J.O de 2018 à 2024 pour 1,3 milliard d’euros rien qu’en Europe, le groupe Discovery et ses sous-licenciés en veulent pour leur argent…il faut que ça balance sur les écrans !
« On va faire un break ? »
De prime abord un peu sidéré par la proposition, Guy Drut, champion olympique sur 110 mètres haies en 1976, a vite endossé son maillot de membre de Paris 2024 pour considérer « qu’il fallait être en phase avec son temps et rester connecté aux aspirations des jeunes. »
Bienvenue donc au breaking, voire au break tout court car breakdance ça fait un peu ringard pour qualifier cet art majeur du hip hop.Il va falloir se familiariser avec la coupole, les top rock, footwork, power moves…autant de figures et enchainements qui font se déchainer les aficionados des X-Games.
On apprendra aussi à mieux connaitre nos stars hexagonales tels Mounir Biba, 9 fois champion du monde, Brahim Zaibat (par ailleurs ex petit ami de Madonna), Sarah Bee, l’une de nos meilleurs ‘’B-girls’’ françaises, et l’on pourra sans doute supporter l’étoile montante Martin Lejeune qui, à 16 ans, fut vice-champion aux olympiades de la jeunesse à Buenos Aires en 2018.
« Pas une seconde de ma vie je n’ai pensé que notre culture pouvait être aux Jeux, c’est un truc de malade ! » dixit Lilou, autre figure emblématique parmi les 5 à 6000 licenciés français du break.
C’est vrai qu’à Paris et sur les écrans ça va sûrement balancer davantage que dans certaines (interminables) autres épreuves du programme olympique.
Bon, en attendant de breaker à Paris en 2024, on va souhaiter de jolies médailles pour nos karatékas cet été à Tokyo. Et pendant ce temps-là, on continuera de jeter la boule parce que « ça balance aussi » à l’ombre des platanes !
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