Bizarre comme la mémoire est sélective. Elle écarte, efface, recouvre ou bien- au contraire- met en exergue des images, des moments privilégiés. Sans-doute ce phénomène répond-il à un processus physiologique, quasi-mécanique.
Il y a la mémoire individuelle et intime mais aussi la mémoire collective qui, elle-même, choisit des évènements pour mieux en rejeter d’autres. Le Tour de France, par exemple, cultive une longue et belle histoire en Auvergne. Des joutes musclées, des combats acharnés s’y sont déroulés tout au long des décennies même si les « petites » montagnes d’ici n’ont évidemment pas la place des plus hauts sommets alpins ou pyrénéens.
Duel au sommet
C’est bien-sûr un jour de 1964 que cette mémoire a placé au-dessus de tous les autres, un duel franco-français sur les pentes du puy de Dôme, coude contre coude et, parfois, épaule contre épaule. Le blond et le brun, l’élégant et le besogneux, le fortuné et le malchanceux : images un peu erronées voire fallacieuses mais qui nourrissaient un profond antagonisme au beau milieu des années 60 au cours desquelles le cyclisme était infiniment plus populaire que le football.
Sans maillot jaune
64 ? Un Tour incertain de bout en bout que Poulidor aurait pu mille fois remporté, qu’il aurait dû gagné tant il dominait athlétiquement. Il y connut son lot habituel d’évènements malchanceux, survenus au plus mauvais moments dont on se demande aujourd’hui si son directeur sportif Antonin Magne n’avait pas une part de responsabilité. Au puy de Dôme, donc, lieu de l’ultime duel, du dernier règlement de compte, théâtre majestueux du verdict, tandis que Jimenez giclait vers la victoire d’étape, Anquetil défendait coute que coute l’or de son maillot. Poulidor finit par le décrocher, le distancer, mètre par mètre, mais trop tard. A Paris, il lui manquerait quelques secondes. « Tant pis » se disait-on alors. « Ce sera pour l’année prochaine… » Sans se douter bien-sûr que cette gloire se conjuguerait définitivement sans maillot jaune.
Roche et Sörensen
Il y eut bien d’autres temps forts auvergnats. Deux souvenirs jaillissent ainsi spontanément : celui de Stephen Roche, le vainqueur du Tour 1987 (mais aussi vainqueur cette même année du Giro et du championnat du monde) jaillissant, tel un fantôme, des brumes à La Bourboule en 1992 sous le maillot de la Carrera. Ou de Rolf Sörensen, le Danois, grand coureur de classiques devant l’éternel, triomphant au nez et à la barbe de Richard Virenque, Luc Leblanc et Orlando Rodrigues sur les hauteurs de Superbesse en 1996 à l’issue d’une étape virevoltante.
Le Tour désertera le département du Puy-de-Dôme lors de cette édition 2017. Il rejoindra toutefois l’Auvergne le 16 juillet avec une arrivée d’étape au Puy-en-Velay. Tout porte à croire que Christopher Froome portera alors le maillot jaune, « yellow jersey » en anglais…
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