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Tania Mouraud / Photo 7 Jours à Clermont
Tania Mouraud / Photo 7 Jours à Clermont
Culture

Tania Mouraud : comme une gamine qui joue au Lego

Tania Mouraud est à nouveau dans l'actualité culturelle clermontoise avec une exposition présentée à la Galerie Gastaud. Avec "Pourquoi les collines pleurent-elles" l'artiste présente une nouvelle facette de sa création, le dessin, mais comme à chaque fois, avec elle, il convient de regarder au delà du premier plan.

Née durant le second conflit mondial, Tania Mouraud est une artiste éclectique qui dès les années 60, a posé la question des rapports entre l’art et les les liens sociaux en utilisant les différents médiums que sont la peinture, l’installation, la photo, le son, la vidéo, la performance… Actuellement, c’est avec le dessin qu’elle s’exprime en jouant avec les mots. Pourquoi les collines pleurent-elles ? est le titre de l’exposition présentée actuellement à la Galerie Gastaud. Au milieu de cette exposition, la citation de Gandhi Should I go on forever ? pose le propos et rappelle que la lutte est au cœur de son œuvre.

Olivier Perrot : Lors de votre dernière exposition ici même, à la Galerie Gastaud, vous présentiez des photos. Votre travail récent est bien différent, quel en est le point de départ ?
Tania Mouraud : C’est la première fois que j’expose des dessins. Chaque dessin correspond à un poème yiddish sur la guerre, sur les méfaits de la guerre, sur le désir de paix et la souffrance des mères depuis des millénaires. C’est un travail qui est né à la suite du 7 octobre. Le choc que m’a causé le 7 octobre m’a incité à chercher dans la littérature yiddish des poèmes qui parlaient de cette douleur de la guerre.

O.P : Vous aimez jouer avec les mots ?
T.M  : J’ai toujours travaillé avec la littérature quelle soit chinoise, la poésie chinoise, les haïkus chinois et japonais ou l’opéra italien. Là, depuis le Covid, je me suis penchée sur la littérature yiddish qui est une littérature européenne qui exprime vraiment la douleur que j’ai en moi, face à tout ce qui se passe à l’heure actuelle, aussi bien le 7 octobre vu du point de vue d’Israël que du monde. C’est horrible ce qui se passe à l’heure actuelle au Liban, à Gaza ou en Ukraine, plus ailleurs au Congo… voilà.

O. P. : Comment passe t-on de ce discours à la représentation picturale ?
T. M : Vous avez tout à fait raison d’évoquer cela. En fait ce sont des phrases, mais tout est né d’un ressenti. Ce que l’on voit là, on ne pense pas du tout que c’est sur la guerre, mais c’est comme quand on rencontre une personne. Si on est dans un espace mondain, on dit elle est formidable et si on a la chance de pouvoir échanger réellement et pendant longtemps, on découvre beaucoup de souffrances, des souffrances familiales, personnelles… c’est un peu comme ça, c’est à dire sous un aspect élégant, attirant, si on creuse, on découvre cette souffrance.

O.P : Lorsque vous n’êtes pas là pour expliquer ce cheminement, ce n’est pas évident à percevoir…
T.M : Non, il faut creuser et il faut demander où sont les textes qui ont été à l’origine de ce parcours parce qu’en fait il s’agit de lettres. Toutes les lettres du poème sont dessinées, mais  comme le papier est petit par rapport à la taille des lettres, je reviens et ce sont des couches de lettres qui viennent petit à petit et qui créent l’ensemble d’enchevêtrement. C’est très difficile de voir ces lettres car on a pas l’habitude de les voir. Si cela avait été des lettres latines on en aurait repéré quelques unes.

Comme une méditation

O. P : On aurait presque envie de tirer sur l’une de ces lettres comme on tirerait sur un fil…
T. M : Peut-être… en tout cas à l’arrière de chaque dessin, il y a le texte qui est à l’origine de ce qui est presque une méditation car pour faire un grand dessin comme cela, ça prend trois semaines, 7 heures par jour, oui… c’est carrément une méditation.

O. P : Vous présentez aussi une série d’œuvres utilisant la technique du gaufrage : l’inspiration est aussi venue de poèmes ?
T. M : Il n’y pas toujours un texte. Quelquefois, il s’agit de lettes qui ont été jetée comme ça. Durant un certain temps, j’ai fait des bas-reliefs, il y en a deux du reste dans l’exposition et en fait, au bout de trois ou quatre ans, quand je commence à sentir que je suis une fabricante, j’arrête et je change. J’avais envie de sculpter le papier et donc j’ai acheté une presse, j’ai vu comment on faisait, j’ai rencontré des gens qui m’ont expliqué comment il fallait faire. Donc là il y a quelques phrases, ce ne sont pas des poèmes en entiers, quelques phrases assez zen comme Chaque nuit nous mourrons, une autre c’est juste Trouver le truc, un expression de la vie de tous les jours, il y  en a une autre Le vent pleure devant ma porte, il n’y a pas beaucoup de phrases dans ces gaufrages, en fait c’est souvent la même phrase reprise plusieurs fois.

O.P : Face à vos œuvres peut-on être libre dans l’interprétation ?
T. M : Je dis que je suis comme un gamin ou une gamine qui joue au Lego. Finalement, le gosse qui joue au Lego dit c’est un avion, et nous les adultes, quand on regarde, on voit que ce n’est pas du tout un avion… mais le gosse est persuadé que c’est un avion et il nous raconte toute une histoire. Moi c’est pareil…

Tania Mouraud Pourquoi les collines pleurent-elles ? jusqu’au 23 novembre 2024 Galerie Gastaud 5/7 rue du Terrail, Clermont 

À propos de l'auteur

Olivier Perrot

Pionnier de la Radio Libre en 1981, Olivier Perrot a été animateur et journaliste notamment sur le réseau Europe 2 avant de devenir responsable communication et événements à la Fnac. Président de Kanti sas, spécialisée dans la communication culturelle, il a décidé de se réinvestir dans l'univers des médias en participant à la création de 7jours à Clermont.

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