Philippe Thivat : À l’aube de cette nouvelle saison, peux tu nous décrire le club, de l’école de rugby à l’équipe senior ?
Michel Lafarge : Le Stade Chamalièrois est un petit club qui se veut familial. Nous sommes autonomes dans toutes les catégories, de M8 à Séniors en passant par le toucher féminin et masculin. Notre but est que tout le monde se connaisse au club, les joueurs des catégories supérieures sont les éducateurs des plus jeunes. Cela paraît évident mais ce n’est pas toujours facile à développer dans un « club de ville » comme le nôtre.
Nous comptions environ 270 licenciés en fin de saison dernière et avons la chance d’être sur une
pente ascendante sportivement depuis la reprise post-covid.
P. T : Ce titre de champion de R2 a t-il été fêté comme il se doit ? C’est une très belle récompense pour le club ?
M. L : Oui, il a été beaucoup fêté. C’était inattendu, le scénario de la finale, avec un drop victorieux sur une interminable dernière action, était vraiment incroyable. C’est l’avènement de la génération 2002, que nous avons formée depuis le plus jeune âge, comme beaucoup avant elle, mais qui fut la première à nous faire confiance aussi massivement. C’est aussi la récompense des pionniers qui les ont précédés, qui sont restés à un ou deux par génération quand tous leurs copains partaient, et qui sont devenus des cadres du club désormais, intégrant les plus jeunes.
P. T : Comment abordez vous cette nouvelle saison en R1 ?
M. L : Nous l’abordons avec beaucoup d’humilité. Le club n’a plus connu ce niveau depuis 1988. C’est un vrai challenge pour nous. On ne part pas favoris et cela nous va plutôt bien. Nous allons affronter des clubs historiques du rugby auvergnat, porteurs de très gros projets, différents du nôtre. Il nous faudra rester solidaires et nous montrer capables de garder notre identité d’équipe joueuse, téméraire, qui s’engage avec fierté pour le maillot. Dans certaines circonstances, ce sera assurément un défi à relever qui nous servira d’apprentissage à tous.
P. T : Quels vont être les objectifs pour les 2 équipes ?
M. L : Pour l’équipe première, l’objectif sera le maintien, comme tous les ans. Mais cette année, ce sera un beau défi à relever. Cela étant, nos jeunes méritent ce niveau, ils n’ont rien volé à personne et je suis heureux de pouvoir leur proposer des oppositions d’une telle qualité. Je suis convaincu qu’ils seront souvent capables de rivaliser.
Pour l’équipe réserve, la demi-finale perdue de peu la saison passée est encore dans les têtes. On aimerait retrouver les phases finales cette année, même si on sait bien que ce sera là aussi un très gros défi.
« Une poule difficile à aborder »
P; T : Pouvez vous nous parler de votre staff et des nouvelles recrues ?
M.L : Nous voulons avant tout garder notre identité. Julien Sanitas a mis sa carrière d’entraîneur entre parenthèses, après six années incroyables chez nous. Mathieu Lafont et Florian Carrier, qui sont des enfants du club, poursuivent, et seront assistés de Jérémy Cambier et Thibault Laime, qui ont fait leurs armes à l’école de rugby et connaissent très bien notre fonctionnement et notre état d’esprit. Pour les recrues, notre statut de promu a peut-être effrayé certains… C’est dommage car rien ne nous empêchera de garder l’ambiance conviviale qui nous caractérise avant tout.
Mais la balance est à l’équilibre entre départs et arrivées, notamment car nos 2002 sont restés au club, et nous sommes heureux de retrouver Thomas Coulon, Patrick Huguet et Enzo Besse qui ont déjà porté nos couleurs par le passé et sur qui nous comptons beaucoup. Nous accueillons aussi Louis Martin de Montluçon, Ludovic Lacroix de Bort les Orgues, quelques reprises et débutants et nous aurons certainement d’autres renforts courant septembre.
P. T : Une poule qui vous semble abordable avec de belles équipes ?
M. L : Ce sera très dur, on ne se fait pas d’illusions. Certains clubs de la poule sont hyper structurés, ont l’expérience de la Fédérale 3 que nous n’avons jamais connu. D’autres ont bâti des projets très solides en vue d’accéder au niveau supérieur. Maintenant, avec de la volonté, la confiance en nous qui nous a animé dans les moments cruciaux ces dernières années, une solidarité à toute épreuve et la trajectoire ascendante qui nous porte actuellement, nous pouvons peut-être passer devant certains clubs un peu plus en difficulté et accrocher le maintien, qui nous donnerait une légitimité pour la suite.
« Nous pratiquons un jeu d’évitements »
P. T : Comment se porte ce club sur la région clermontoise au sein d’un rugby amateur que l’on sait pas toujours à la fête ?
M. L : On travaille dur, on est peu nombreux à faire tourner la boutique, mais on est heureux de notre sort. On garde perpétuellement en tête que tout peut s’arrêter à tout moment en dépit de notre travail, comme cela a pu arriver malheureusement à certains de nos voisins, en effet. Je pense que notre méfiance est aussi une force. Aujourd’hui, on a quand même pratiquement la garantie d’être encore autonomes dans toutes les catégories la saison prochaine (2024-2025), quoi qu’il se passe sportivement, et cela nous permet de travailler déjà sur la suite. Il ne faut pas se mentir, survivre doit être, pour un club comme le nôtre, la principale ambition, et avoir la chance d’avoir une vision sur deux ans est déjà considérable.
P. T : Comment attirer de nouveaux licenciés quand on sait que ce sport véhicule des images peu rassurantes ? Comptez vous sur l’effet Coupe du monde ?
M. L : Historiquement, au Stade Chamalièrois, nous pratiquons un jeu d’évitement et sommes réputés pour cela. Mais nous voyons comme tout le monde de plus en plus de mamans effrayées par le rugby. L’esprit de camaraderie, de solidarité doivent être vantés pour convaincre de nouveaux adhérents.
Nous attendons beaucoup de cette Coupe du Monde en France en effet, nous espérons le meilleur parcours possible pour les bleus mais aussi une diffusion de la compétition qui mettra l’accent sur ce que peut apporter la pratique du rugby aux jeunes dans leur vie quotidienne plutôt que sur les gros contacts, les plaquages dangereux ou autres actions négativement spectaculaires qui ne correspondent finalement que très peu au rugby que nous proposons dans les petits clubs.
P. T : Qu’en est il de la formation au Stade Chamalièrois ?
M. L : Nous tâchons de poursuivre l’excellent travail initié par Jean Paul Gonzalvo, Jacques Aubignat, Laurent Jacquet et tous les formateurs historiques de notre club. Cela nous permet d’obtenir de bons résultats chez les jeunes, mais surtout de leur donner une identité club très tôt, en laissant aussi la place à des moments conviviaux, des activités annexes… Nous voulons que les jeunes continuent à s’amuser chez nous, et qu’ils nous considèrent comme membres à part entière de leur vie. C’est ainsi que nous survivrons. Cette année, nous lançons un nouveau pôle initiation sur les M8 M10 animé par des jeunes du club qui ont envie de s’investir, nous attendons beaucoup de cette nouvelle disposition.
P.T : De même pour l’arbitrage ?
M. L : Nous avons perdu Yann Gouadjelia, une figure du rugby auvergnat qui s’est exilée en Bretagne et
qui nous manquera beaucoup. Nous conservons Clément Cajat, fruit de l’école d’arbitrage du club, qui fait chaque saison de beaux progrès. Nous sommes fiers de lui et croyons beaucoup en lui. Nous nous apprêtons à lancer deux petits nouveaux eux aussi issus de notre travail de formation d’arbitres. Nous espérons que leur saut dans le grand bain se passera bien, dans un contexte hélas de plus en plus tendu pour les jeunes arbitres.
Mais là aussi, il ne faut compter que sur nous-même et notre travail de formation, car dès qu’un nouvel arbitre est sur le « marché », il est sollicité par des clubs à très gros moyens et nous ne pouvons pas lutter. Nous sommes fiers de contribuer au développement de l’arbitrage en Auvergne, et nous avons à cœur de travailler avec les instances sur la formation des jeunes comme sur les conditions dans lesquelles ils doivent se lancer « pour de vrai ».
« Un club avec de merveilleuses histoires »
P.T : Quelles ont été les grandes heures du Stade Chamalièrois dans les années passées ?
M. L : Historiquement, Chamalières a beaucoup évolué en Promotion d’Honneur. La création de son école de rugby par Jacques Aubignat, développée ensuite par Jean Paul Gonzalvo, est un acte fondateur qui reste l’une de nos bases aujourd’hui.
La saison 82-83 avec un titre pour la réserve puis trois tours de championnat de France fut la première grande épopée.
Le doublé « une – reserve » en 1ère série Auvergne en 98, reste aussi dans les mémoires. Depuis que j’ai la chance de mener le club avec Jean Pierre Nivelon, je retiendrai le titre de Champion d’Auvergne Juniors de 2019, le premier en autonomie, qui avait vraiment une saveur particulière, et la demi finale du championnat de France de 1ere Série 2017, un an après le « bouclier gate », face à St Léger les Vignes, au terme d’une épopée vraiment mémorable. La même année, nos filles du Toucher décrochent le premier titre de Champions de France de l’Histoire du club.
Le titre de champions d’Auvergne 2023 est encore tout frais mais restera aussi je pense longtemps dans mon esprit.
P. T : Avez vous assez de partenaires ? La mairie vous soutient bien également ?
M. L : Nous pouvons toujours compter sur nos partenaires historiques, dont fait partie la municipalité, toujours à nos côtés bien que la ville de Chamalières compte deux clubs professionnels (foot masculin et volley féminin). Nous avons la chance d’avoir la confiance de plusieurs partenaires privés depuis de nombreuses années. Les déplacements et frais d’équipement se multipliant, nous sommes toujours à la recherche de nouveaux partenaires que nous saurons exposer à la hauteur de leur soutien grâce à l’excellent travail de notre équipe de bénévoles à la communication, autre pierre angulaire de notre pente ascendante.
P. T : Travaillez vous avec l’ASM Clermont Auvergne pour les jeunes ?
M. L : Nous travaillons beaucoup avec l’ASM. Mon père était dirigeant à l’ASM et j’ai grandi dans les placards de sacs à maillots de la Gauthière à ses côtés. Mon grand oncle était le docteur Lafarge médecin de l’équipe fanion dans les années 70. J’ai avec ce club, dans lequel j’ai joué de 7 à 17 ans, une relation d’affection particulière et j’espère que cela durera le plus longtemps possible, notamment pour mon club de Chamalières. Nous avons tout intérêt à former nos joueurs du mieux possible pour qu’ils partent à plus haut niveau. En retour, il faut que les joueurs qui ne sont pas conservés aient aussi la possibilité de nous rejoindre, nous ou d’autres petits clubs, comme cela se fait depuis de nombreuses années, et qu’aucune relation d’exclusivité, ou de primeur, ne soit bâtie avec certains clubs en particulier.
P. T : Pour conclure avez vous des projets (rugby féminin, adapté, développement du touché ?)
M. L : Notre section toucher a brillé avec un titre de Champion AURA en mixte en juin dernier à Cournon.
Nous voulons continuer à la développer pour peut-être aller chercher encore plus haut… Mais nous souhaitons aussi garder nos sections féminines et masculines, particulièrement les filles, quart de finalistes aura en juin, pour lesquelles nous travaillons au recrutement. Notre nouveau pôle initiation M8 M10 est un gros projet pour l’avenir. Nous montons aussi un pôle développement avec deux catégories qui se ressemblent de plus en plus en termes de dispositions fédérales, M14 et Cadets, sous la houlette de Kévin Sinizergues, très actif au club.
Enfin, nous comptons beaucoup sur la génération 2006-2007 pour porter le club vers de nouvelles aventures. Ils ne manquent pas d’idées ni d’investissement et représentent l’avenir de nos couleurs.
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