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Rue de Yazd- photo Eric Gauthey.
Chroniques

Se perdre à Yazd

" A ce seuil, sans demander vaine gloire ou importance, nous sommes venus. Pour y chercher un refuge contre le sort et ses coups, nous sommes venus. Nous sommes les voyageurs (…), des limites du néant, au pays de l’existence, nous sommes venus". Hafez (1315-1390)

Accompagner son voyage des poésies de Hafez, Khayyam ou Sa’adi prend un sens tout particulier dans le raffinement de cette destination. Au mitan des routes caravanières, Yazd est un point de jonction majeur de l’axe qui jalonne les deux grands déserts du pays et relie du Nord au Sud les rives verdoyantes de la Caspienne et le Baloutchistan iranien de sévère réputation.

Tout ici le rappelle, comme son architecture vernaculaire de pisé, comme sa prison d’Alexandre que le conquérant construisit selon la légende pour emprisonner ses prisonniers achéménides, comme l’air sec qui s’engouffre dans les rues.

C’est pour poser le cadre. Celui d’une ville au charme rare toujours empreint du calme persan pour une foule pourtant nombreuse.

Elle vaque à ses occupations dans le bazar ou s’adonne à l’oisiveté sur la place Amir Chaqmaq aux ombres fuyantes de son pishtaq (portail) théâtral.

Les voiles sont ici plus noirs, et le regard des baloutches venant du Sud plus durs, mais la même douceur des gestes, la même quiétude des échanges, la même gentillesse dans les contacts s’imposent tout autant. Le vent du sable remplace celui de liberté qui flotte à Chiraz.

Aux tours de vent pour jalons

La ville est surmontée en tous lieux de bagdir, tours de vent qui rafraichissent sans autre effort que le seul froissement de l’air les intérieurs ou les citernes. Toujours semblables, jamais les mêmes, elles élancent au-dessus des toits leur subtiles variations ornementales. Les qanat (qui a probablement la même source étymologique que notre mot canal) alimentent encore la ville, ses palais et ses citernes, alimentés de simples puits alignés dans le désert environnant ou plus surement des montagnes proches.

Les murs de pisé jouent des couleurs et des ombres. Ils apportent au bâti une texture vivante qui exhibe sa souffrance, se délitant aux assauts des vents et des pluies, qui arbore sa renaissance aux gestes des truelles qui l’entretiennent.

Yazd fait partie de ces villes où déambuler et se perdre, à l’ombre des galeries protégées des morsures du soleil ou exposé à sa lumière, est un plaisir sans fin. Se laisser ainsi pénétrer d’une ambiance, observer les gestes lents, les allures, les plis des voiles dans le vent.

Singulière s’il en est, Yazd est aussi une ville zoroastrienne, religion encore vivace jusqu’aux années cinquante et toujours vivante même si marginale.

Le temple du feu (atashkadeh) en est au cœur de la cité le symbole actif, avec sa flamme entretenue et préservée, depuis 1 500 ans dit-on. Mais c’est aux abords lointains des premiers murs de la ville, aux pieds des montagnes, que les dakhmeh (tours de silence) s’exposent sans vie dans la majesté de leur site. Sans vie pour ces lieux de mort où les défunts étaient préparés puis exposés au sommet, au soleil, au sable et aux charognards, pour disparaître à jamais. 

Suite à la prochaine chronique…

Retrouvez la chronique Soleil trompeur à Chiraz d’Eric Gauthey.

À propos de l'auteur

Eric Gauthey

Né avec la crise des missiles de Cuba, son enfance, ses études et ses premières années de la vie d’adulte furent nomades.
Au début des années 90, il émigre à Clermont-Ferrand pour se sédentariser. Son métier, non moins sédentaire, l’engage dans le service au public (transports publics de l’agglomération clermontoise).
Le voyage reste sa passion, pour ses vacances mais pas seulement. Cofondateur d’Il Faut Aller Voir et du RV du Carnet de Voyage, il pousse jusqu’à publier deux ouvrages : « Cher Bouthan » – 2011 et « Buna Tatu » - 2017 (sur l’Ethiopie).

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