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Le Khalifa Stadium vu du ciel- photo Sportbuzz.
Chroniques

Ombres et lumières (le chaud et le froid)

En cette saison où les feuilles mortes commencent à se ramasser à la pelle, s’éteignent doucement les lumières de l’été. Le ciel s’assombrit et vient parfois doucher les ambitions devenues alors illusions. Avec ou sans dérèglement climatique, avec aussi et souvent, la cupidité des décideurs du sport.

Sorti auréolé d’un superbe et rayonnant Tour de France, Julian Alaphilippe, promu leader de l’équipe de France, était tout désigné pour prétendre endosser le maillot arc-en-ciel sur un parcours que l’on disait taillé pour lui sur les routes du nord de l’Angleterre.

Waterworld  

Waterworld- L’Equipe du 30 septembre 2019.

Sauf qu’en cette fin septembre il faisait là-bas un temps à ne pas mettre un vélo dehors, le thermomètre flirtant avec les 10° sous un déluge biblique. Météo certes peu exceptionnelle sur les routes de campagne du Yorkshire mais « ça n’est pas vraiment ce que je préfère ! » avait annoncé le Montluçonnais.

De fait, rincé jusqu’à la moelle, transi et déglingué, Julian lâchait prise avant l’empoignade finale tout comme le petit-fils de Poulidor Mathieu Van der Poel, autre favori de ces mondiaux, allait exploser un peu plus tard.

Le jeune danois Pedersen n’avait sûrement pas volé sa couronne mais ni lui, ni les 45 autres coureurs à l’arrivée, ni les 149 qui avaient fuit l’enfer en cours de route n’avaient envie de revenir passer leurs vacances dans ce ‘’so british’’ waterworld.

Cela dit, on souhaite de bonnes vacances à Julian qui trouvera sûrement de belles occasions de nous faire vibrer en 2020.

De la perfide Albion du sémillant Bo Jo notre regard s’est détourné vers la péninsule arabique où était judicieusement programmé un autre rendez-vous mondial qui lui, ne risquait pas les coups de froid. 

Khalifa Stadium vu d’en bas- photo France TV.

Chaleureusement vôtre

Doha, capitale du Qatar royaume du gaz, accueillait donc ‘’chaleureusement’’ les championnats du monde d’athlétisme. Dans chaleureusement il y a surtout le mot chaleur plutôt que (h)eureusement car pour ce qui fut de l’ambiance c’était ‘’macache bono’’.

Pas besoin  d’ouvrir un débat sémantique pour savoir si le Khalifa stadium était à moitié plein ou à moitié vide puisque seulement garni de fonctionnaires, employés ou travailleurs du bâtiment délocalisés d’office par les autorités locales dans cette arène de 48 000 places afin de créer l’illusion.

La mise en scène ne trompait personne, y compris le soir de la médaille d’or de Barshim, la star locale du saut en hauteur, où le tout Doha, enfin de sortie, déserta le stade avant même le podium… Lamentable !

Les athlètes ont pu apprécier les débauches de passion et de respect entourant leurs performances.

 

Bien sûr, ce bide populaire n’expliquait en rien la déconvenue des trois tricolores recordmen du monde avec lesquels la France espérait se parer d’or.

Cauchemard pour Lavillenie- photo Eurosport.

Renaud Lavillenie n’a pas cherché d’excuses bidons pour expliquer son élimination prématurée au concours de perche au terme d’une saison qualifiée par lui ‘’de merde’’ ; notre star décathlonien Kevin Mayer s’en remettant à la défaillance de ses ischio-jambiers qui le poussait à l’abandon.

Abandon aussi pour Yohann Diniz, champion sortant du 50 km marche qui n’hésitait pas à évoquer la folie d’organiser des championnats du monde dans un pays où la température dépasse les 40°…même en faisant courir les épreuves hors-stade au milieu de la nuit au fil d’un boulevard désert.

« On voit tous les jours que c’est une catastrophe » relevait Kevin Mayer évoquant au passage l’organisation.

Comme l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions, le stade, bien qu’ouvert sur le ciel, était climatisé à 25° au niveau de la piste grâce à des centaines de canons crachant de l’air frais. Un autre monde ! 

Climatisation à ciel ouvert.

Empreinte carbone, et alors?

Dans les paradis artificiels du Golf Persique le gaspillage de l’énergie fossile ne semble pas être une préoccupation majeure. Les centaines de milliers de résidents étrangers installés ici pour cause de bisness international ne vivent-ils pas en permanence dans la douceur de la clim ? Même les rues chics sont climatisées !

Faute pour l’équipe de France d’athlétisme d’avoir laissé son empreinte sur le mondial de Doha, c’est l’empreinte carbone qui aura marqué les esprits.

Tiens, au fait, où était donc passé Greta la petite suédoise, si vindicative à la tribune des Nations Unies, pour n’être pas venue donner des leçons d’écologie aux dirigeants qataris ?

Mais les leçons seraient peut-être d’abord à donner à ceux qui décident de confier l’organisation de compétitions mondiales à des contrées peu hospitalières pour la santé des athlètes et qui exploitent dans des conditions quasi esclavagistes les émigrés travaillant à la construction des stades.

Ainsi que viennent de le souligner quelques élus hexagonaux appelant, sans se faire trop d’illusions, à un boycott de la Coupe du Monde de foot au Qatar en 2022, corruption et cupidité sont devenues les deux mamelles du sport-bisness aux dépends des sportifs et du public. Seul le fric est roi.

Les enquêtes du Parquet National Financier sur les conditions d’attribution au Qatar de la Coupe de Monde de foot par la FIFA (1) et de ces derniers championnats mondiaux d’athlétisme par l’IAAF (2) restent toujours ouvertes. Est-ce un hasard ?

Et pendant ce temps là…

Raka- photo France Info.

Bien plus à l’est, au pays du soleil levant, les stades japonais (non climatisés) de la Coupe du Monde de rugby affichent complet avec de vrais spporters. Certes, le thermomètre peut passer la barre des 30° et l’hygrométrie donner l’impression aux joueurs de jouer sous la pluie.

Si l’ami Raka et ses coéquipiers ont donc pu éprouver quelques difficultés à contrôler les ballons, le XV de France a su éviter de boire la tasse (de thé) prématurément en se qualifiant pour les quart de finale. Les codes sont rallumés, en attendant les plein phares.

Pendant ce temps là l’ASM tentait de se dépêtrer du piège des doublons infligés par l’iniquité d’un championnat décidemment irresponsable à propos duquel le président clermontois Eric de Cromières a répété « qu’il mène droit dans le mur ».

Il a raison  le président… qui sait bien aussi que ‘’le fric a ses raisons que la raison ignore’’.

Les sanglots longs des violons de l’automne……

 

 

  • (1) FIFA : Fédération Internationale de Football Association
  • (2) IAAF : Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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