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1896 – Bons conseils accompagnés du bon proverbe : « Habille-toi lentement quand tu es pressé » ! -Almanach Hachette / Coll. A.-S. Simonet
Chroniques

La fête à nœud-nœud… de cravate !

Quand les valeurs traditionnelles se relâchent, la société se desserre et la mode se déficèle. Ainsi, depuis quelques décennies, la cravate semble s’être ringardisée ! Et pourtant...

Depuis deux ans c’est l’antenne clermontoise d’une association nommée La Cravate Solidaire qui veille non pas au look de jeunes cadres forcément dynamiques mais à redonner confiance en elles à des personnes en recherche de travail et désorientées par ses codes d’accès, y compris vestimentaires…

Et pourtant ne prend-on pas encore – le moins souvent possible ! – le responsable d’une colère par la cravate sans pour autant négliger de s’en jeter un derrière ladite cravate ? De vieilles histoires. Une vieille histoire.

Déjà, dans la Rome impériale, les soldats se protégeaient des frottements des protections d’épaules avec un focale, sorte d’écharpe de lin ou de laine. Au siècle triomphant du Roi-Soleil, aux prises avec l’Angleterre, l’Espagne, la Suède et la Hollande Louis XIV enrôle des régiments de mercenaires croates, ancêtres étymologiques de la cravate !

Pour épouses et amantes assidues   

Sous le Directoire, un « Incroyable » porte une cravate enroulée trois fois et montant jusqu’aux lèvres ! – Dessin, H. Baron ; graveur, L. Massard / D.R.

Un saut de puce de l’histoire plus loin, en 1827, en styliste de l’habillement et de la plume, le comte milanais della Salda, se persuade « d’accomplir une œuvre indispensable » en publiant, à l’intention de « l’homme de génie et le morveux », un Traité sur l’art de nouer sa cravate de toutes les manières connues en seize leçons. Messieurs, la préférez-vous à l’orientale ; en collier de cheval, réservée aux épouses et amantes assidues ; Hercule, couleur lèvre d’amour ; de bal, immaculée et candide ; mathématique, symétrique et péremptoire ; irlandaise, austère et rigide ; gastronome, rose jambon, jaune foie d’oie, truffe et surtout élastique pour faciliter la déglutition gourmande des délices périgourdins ?

Qu’on se le dise, la cravate est aussi select que le collège anglais d’Eton et les chefs-d’œuvre artistiques de ses very smart élèves, notamment l’épingle à cravate en argent représentant un cerf, réalisée par William, fils aîné du prince Charles et de Lady D., le successeur de la reine Elizabeth II sur le trône britannique.

Qu’on se le lise, la cravate fut aussi indispensable dans les armoires que l’Almanach Hachette – La Petite encyclopédie populaire de la vie pratique, dans les bibliothèques. En 1896, cette Bible annuelle étudie minutieusement l’art de la mettre.

D’abord, bien noter que « rien n’est plus laid qu’une cravate qui se déplace, qui remonte, dont le nœud tourne. Pour prévenir ces petits incidents, la fixer par une patte pourvue d’un bouton cousu à la chemise, des épingles d’acier, ou, quand on porte des nœuds marins, par un pince-cravate à ressort. » 

Le pigeon cravaté dans l’Histoire naturelle générale et particulière de Buffon, au XVIIIe siècle- © BnF

« [T]u sais que de cravates »… 

Puis, savoir choisir l’étoffe. « On se sert, selon la saison, de satins, de soies fantaisie souples, d’oxford de batiste, de piqué, voire de ruban pour le petit nœud. » Bien entendu, « tant de subtilité n’est pas à la portée de n’importe qui. Volontiers enclin à croire que tout le monde fait attention à lui, et ignorant les usages du monde, le jeune homme frivole, frais échappé du collège, adopte des cravates voyantes ou de nuances à la mode : bleu marin, loutre, héliotrope éteint, pois, fleurette », etc. 

Enfin, se faire un nœud pour ne jamais oublier que l’« on peut être renseigné sur l’état d’âme des gens par la simple inspection de leur cravate »… Et que, pour tout renseignement sur l’état d’âme des poètes, la simple inspection de quelques vers d’Alfred de Musset, sans doute inspirés par le charme cravaté de George Sand, est édifiante.

« Vénus, flambeau divin !

astre cher aux pirates,

Astre cher aux amants !

tu sais que de cravates,

Un jour de rendez-vous,

chiffonne un amoureux ! »… 

Bref, « [l]a cravate est l’homme même, voire la femme selon le comte de Buffon, naturaliste, écrivain et intendant du jardin de l’élégant Louis XV, créateur de la charge de « Cravatier du Roi » !

 

 

 

 

 

 

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Simonet

Historienne de formation universitaire, Anne-Sophie Simonet arpente depuis des décennies le « petit monde » clermontois de la presse. Auteur d'une dizaine d'ouvrages, c'est en tant que président de l'association Les Amis du vieux Clermont qu'elle invite à cheminer dans sa ville natale, la plume en bandoulière.

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