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L'œil du cyclope- photo Yves Meunier.
Chroniques

Montpied bon œil ou le syndrome du cyclope

Ça devait bien finir par arriver, le Clermont Foot a forcé les portes de la Ligue1. Si l’évènement suprême s’est fait attendre, le sport sera quand-même allé plus vite que le bâtiment. De projets en renoncements et à force de se refiler la patate chaude depuis trente ans, les décideurs locaux ont fait de ‘’Notre Dame des courants d’air’’, l’héroïne d’un feuilleton parfois abracadabrantesque. Voici l’histoire. Accrochez-vous, ça pourrait décoiffer les esprits cartésiens !

En ce 8 octobre 1990 le conseil municipal de Clermont vient de choisir un projet architectural de 90 millions de francs censé donner à la ville et aux footballeurs l’outil de travail dont chacun rêve : un stade de 15 000 places couvertes réparties dans deux superbes ‘’paupières’’ en vis-à-vis. Seulement voilà…

Et mon œil… ?

1997, petit stade, grand exploit- photo Francetvinfo.

« Tout cela arrive un peu tard !… mais mieux vaut tard que jamais !» regrette l’adjointe aux sports Michèle André tandis que le maire Roger Quilliot précise que « vu où en est l’équipe, y-a pas le feu ! » Le hic, c’est que le Clermont Football Club, né en 1984 d’une fusion ASM-Stade Clermontois, vient de déposer le bilan pour repartir en division régionale. Michèle André avait lancé l’idée du Grand Stade deux ans plus tôt, le CFC accédant alors à la D2 professionnelle. Plouf ! 

La réalisation du projet va donc se limiter à un ‘’demi-stade’’ inauguré fin 1995 alors même que le premier étage de la paupière n’est pas encore achevé. On en sera d’ailleurs au même point lorsque début mars 1997 le Clermont Foot qui opère en CFA (4ème niveau national) crée le méga buzz en sortant le PSG et ses stars des 8èmes de finale de la Coupe de France au terme d’un match de folie. L’exploit va sauver le club d’un nouveau bouillon financier et inciter le président VGE à associer la Région au destin mouvementé du désormais ‘’Clermont Foot Auvergne’’.

Après que la tempête de 1999 eut éborgné l’œil du cyclope, le club atteint la division Nationale dont il remporte le titre en 2002 et accède donc à la Ligue2 porté par l’enthousiasme des 8 à 9000 supporters qui garnissent régulièrement les travées. Y a de la joie !

Tu veux ou tu veux pas ?

Soir de match- photo Clermont Foot.

Du coup, le maire de Clermont Serge Godard présente une nouvelle mouture à 23 M€ qui, par tranches successives, doit porter la capacité à 30 000 places. Mais aucun calendrier n’accompagne le projet et c’est toujours dans ‘’Notre Dame des courants d’air’’ que le club du président Dalan va établir ses records d’affluence (10562 spectateurs) face aux Verts de l’ASSE.

Et voilà qu’en 2004 Clermont Communauté hérite du dossier et change d’idée. Pour 9,8 M€, on va construire une ‘’tribune d’en face’’ qui portera la jauge à 20 000 places. Soit, mais patatras !, en 2006 les travaux sont arrêtés pour cause de choix budgétaires (il faut notamment financer la Grande bibliothèque de 70 M€ qui doit voir -mais ne verra pas- le jour sur le site de la gare routière). Cela tombe bien, le CFA, devenu depuis un an propriété de Claude Michy, est relégué en National…Ouf ! Voila qui va laisser le temps de respirer ! C’est du moins ce qu’on croit dans l’hémicycle de Clermont Co.

Enfer et damnation! La troupe emmenée par Didier Ollé-Nicolle rallume le feu en écrasant le championnat, remontant ipso facto en Ligue2 avant de flirter, dans la foulée, avec la Ligue1. On présente donc de nouvelles maquettes en exhumant un projet enrubanné d’un plan urbain et social qui doit « profiter aux quartiers », etc.…

On en restera aux bonnes intentions et aux nécessaires travaux de mise à niveau du stade même si en juin 2010 le président Michy et l’entraineur Michel Der Zakarian s’engagent sur un plan de trois ans pour accéder en Ligue 1 imaginant « pouvoir disposer d’ici là d’un stade de 30 000places ». L’espoir fait vivre, jusqu’à ce que…

En 2012, la frustration d’avoir à nouveau raté d’un rien l’accession s’empare de l’entraineur qui fait ses valises : « Pas de stade, petit public…et on n’a pas fait le nécessaire au mercato d’hiver ! » Oups ! Der Zak a résumé la situation.

Vers le bout du tunnel ?

Le projet final- photo Atelier Ferret Archi.

Les résultats peu allègres du désormais Clermont Foot 63 (la région Auvergne ayant retiré ses billes) sous les baguettes successives de l’élégant Brouard et de la délicieuse Corine ouvrent le temps de nouvelles réflexions longuement muries. Si bien que début 2016, Clermont Co managé par Olivier Bianchi, héritier de la patate chaude, vote une enveloppe de 70M€ pour un projet d’extension du stade à 30 000 places en deux tranches.

La tête commence à me tourner, pas vous ? Ce n’est pourtant pas terminé.

En mars 2017, voici venir le double effet kiss Cool de Laurent Wauquiez qui laisse entendre que la Région AURA pourrait s’engager à la hauteur de 6 ou 7M€ dans un projet susceptible d’accueillir aussi les grandes affiches de l’ASM. Youpi ! C’est reparti pour un tour !

Il va donc revenir aux élus de la flambant neuve Clermont Auvergne Métropole de saisir la balle au bond malgré l’opposition récurrente d’une partie de l’assemblée.

On efface tout et on recommence pour un énième projet dont l’appel à candidatures, envisagé initialement fin 2017 sera lancé en 2018. « L’idée serait d’abord de construire une tribune de 6000 places d’ici 2022 avec d’autres infrastructures annexes » précise Olivier Bianchi.

Le pied ! – photo Clermont Foot.

Fin 2019 le choix se porte finalement sur le projet du cabinet Bordelais Atelier Ferret Architecture associé au Clermontois CHM architectures. Une première tranche de travaux, estimée à 24 M€, doit démarrer en 2022 pour porter la capacité du stade à 16200 places en 2024. Deux autres tranches sont prévues afin d’accueillir ‘’à terme’’ 30 000 spectateurs. On en est là !

En attendant le retour des supporters vaccinés, on va donc bricoler le Montpied pour le mettre aux normes de la L1 et envisager de débuter l’aventure à Geoffroy-Guichard avant de squatter le Michelin pour quelques matchs de gala. Après qu’on ait tourné en rond trois décennies durant au rythme du Tango Corse (1), la baguette du chef suisse Ahmet Schaeffer et le doigté du premier violon Pascal Gastien auront su changer de partition en insufflant à tous l’envie de faire avancer les choses.

La reculade est désormais interdite.

Enthousiasme- photo Clermont Foot.

(1)  https://www.dailymotion.com/video/x9id6

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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