Soyons clairs, les Coquillettes solidaires n’ont pas vocation à empiéter sur le champ d’action des associations historiques qui viennent en aide aux personnes dans le besoin type Restos du cœur, l’opération est complémentaire et temporaire en attendant le retour à une vie normale. « S’occuper des Coquillettes nous prend énormément de temps. On peut le faire tant que nos activités sportives sont à l’arrêt, mais ensuite, on reprend le sport. Ça empiète aussi sur nos vies de famille, mais il faut mener cette action, c’est vital » précise Youssef Bouarroudj, généreux président de Phœnix Camp, celui par qui tout a commencé. Selon Dimitri Cilibrasi, salarié à l’ASSJ Football, l’équipe compte poursuivre l’opération jusqu’à fin février au rythme d’une distribution par semaine, le vendredi après-midi, à l’entrée du gymnase Louis Thévenet. « On espère bien pouvoir reprendre nos activités sportives ensuite… » renchérit le jeune footballeur comme un vain espoir. On sent bien dans la voix des deux athlètes qu’ils doutent quand même un peu de la possibilité de reprendre l’activité sportive dans les semaines à venir, mais il faut bien se fixer des objectifs pour avancer.
Coquillettes solidaires
Le nom de Coquillettes solidaires a été trouvé par Audrey Amato, de l’ALFA Saint-Jacques Basket. À partir de Saint-Jacques, elle a fait le lien avec coquilles Saint-Jacques, donc Coquillettes solidaires. Un nom, une entité tout au plus, sans statut social. « Les trois associations sportives se sont unies après avoir été sollicitées par la population suite à l’action menée par Phœnix Camp lors du premier confinement. En tant qu’associations, on ne pouvait pas rester inactifs. L’ALFA Basket a dû arrêter, accaparée par d’autres activités. On continue, Phœnix Camp et l’ASSJ Football avec des habitants du quartier, des personnes de Gerzat, d’Aulnat, des quartiers nord de la ville, même des gens qu’on ne connaît pas se joignent à nous » déclare Dimitri Cilibrasi. Youssef Bouarroudj connaît bien Saint-Jacques, il a bien identifié la population du quartier dans le besoin : « Dès le premier confinement, il y avait une grosse demande. On s’est mobilisés. À partir de là, plein de commerces se sont joints à l’action. Plein de particuliers participent aussi en nous donnant des produits secs tels des pâtes ou du riz. On vit une période déjà très difficile, cette crise sanitaire n’a fait que rajouter de la misère à la précarité. On ne privilégie pas un public particulier, on cible tout le monde. Les familles, les retraités, les étudiants non boursiers qui ne peuvent pas bosser en période de confinement. C’était déjà flagrant au premier confinement, mais là, on a un nombre impressionnant d’étudiants qui viennent se ravitailler. »
La logistique
Au premier confinement, Phœnix Camp allait de porte en porte, d’immeuble en immeuble, pour demander aux résidents du quartier Saint-Jacques s’ils ne manquaient de rien. L’opération prenant de l’ampleur, il a fallu s’adapter avec le deuxième confinement, puis, avec le couvre-feu. « Aujourd’hui, il nous faudrait 20 voitures pour sillonner le quartier et distribuer les vivres. Ce serait impossible à faire. D’avoir un point fixe de distribution, c’est plus facile. C’est toujours au même endroit, toujours aux mêmes jours, aux mêmes horaires. L’avantage du gymnase Thévenet, c’est qu’il est proche du tram. On est en face l’entrée de l’école Jean Jaurès, les familles peuvent passer après avoir déposé les enfants. On a la chance que la ville nous accorde le droit de nous installer là et que la préfecture nous autorise à mener cette action. » Détaille Dimitri Cilibrasi. « Livrer les gens chez eux comme on a fait au premier confinement, c’était trop de contraintes avec le nombre de bénéficiaires grandissant » selon Youssef qui rajoute : « L’objectif était de faire connaître notre action. Maintenant, les gens savent où nous trouver. On fait attention par rapport aux institutionnels du secteur. On ne fait pas le même boulot. Ça se passe bien avec la Banque alimentaire qui nous a sollicités et qui nous aident. On leur a bien expliqué qu’on n’est pas là pour prendre leur travail. Nous, on ne peut que distribuer des produits secs. On n’est pas équipé pour entreposer et distribuer des produits frais ou des produits surgelés. » Une fois encore et Youssef insiste sur ce point, les Coquillettes solidaires ne “concurrencent” pas les organismes historiques.
Les bénéficiaires
À partir du deuxième confinement, les Coquillettes solidaires œuvraient deux fois par semaine, le mercredi et le vendredi après-midi, de 15 à 17 h. « On disait aux gens de ne venir qu’une seule fois par semaine pour pouvoir servir tout le monde et tout le monde a joué le jeu. Mais on a vite été dépassé par le travail que ça nécessitait et par le nombre de bénéficiaires. Certains jours, on a jusqu’à 300 personnes qui viennent se ravitailler. On est passé à un jour de distribution, le vendredi après-midi. On essaie de mobiliser un maximum de personnes. Plein de gens font un geste et sont solidaires, un paquet de pâtes par-ci, un gel douche par là, une boite de conserve. Les gens sont vraiment généreux » affirme Youssef avec émotion. Parmi les 300 et quelques personnes du quartier que les Coquillettes estiment toucher : « 75 à 80 % sont des étudiants hébergés au CROUS ou dans les résidences étudiantes du quartier. Les autres sont des familles et des personnes âgées, des retraités avec le minimum vieillesse insuffisant pour vivre correctement » évalue Dimitri Cilibrasi qui rajoute : « On fait intervenir une assistante sociale les jours de distribution. La première fois qu’elle est venue, elle a rencontré une quinzaine de personnes en deux heures. Les quinze personnes ont été reconnues éligibles aux aides sociales. Ce qui veut bien dire que les personnes qu’on touche, ont jusque-là échappé aux dispositifs d’aide sociale. À partir de là, des plans d’insertion vont être mis en place. Notre rôle est aussi d’orienter les gens vers les Restos du cœur ou la Banque alimentaire. Nous, on ne fait que parer au plus pressé. »
Produits distribués
En plus des produits alimentaires classiques type riz, pâtes ou gâteaux secs, des conserves (légumes, fruits, thon), de l’épicerie et des produits de toilette et d’hygiène, les Coquillettes solidaires acceptent toutes sortes de dons, tout ce qui peut subvenir aux besoins essentiels des plus démunis. Par exemple : des vêtements ou des jouets pour enfants. « Mine de rien, le prix d’un tube de dentifrice équivaut à un sac de pâtes. Mais on préfère dire aux donateurs qui nous demandent de privilégier la nourriture » priorise Dimitri Cilibrasi. « On n’oriente pas les donateurs, ce qui compte, c’est le geste » complète Youssef Bouarroudj. Les Coquillettes solidaires ont mis en place avec les enseignes participantes à l’opération, des chariots dans les supérettes du quartier (La Mondiale, Auchan et Carrefour) où chacun peut participer et déposer des produits selon ses moyens. Youssef et Dimitri affirment en conclusion qu’ils comptent bien arrêter les Coquillettes fin février, mais s’ils doivent poursuivre l’action, ils continueront.
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