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Forêts hasardeuses

J’ai toujours aimé les noms d’arbres exotiques : aliboufier, pernambouc, tchitola, aristoloche, tamarinier, galipea, caroubier,  coccoloba, niaouli, zizyphus, icaquier, macacouaba, panga-panga, baguenaudier, zapatero. Rien qu’à les prononcer, on voyage déjà.

Un garde forestier, c’est bien un type qui empêche les arbres de se tirer.

Autrefois, dans les forêts, les druides cueillaient le gui. Maintenant ils ramassent les papiers gras des pique-niqueurs.

En période de canicule, ce sont les arbres qui sont les plus à plaindre. Ils ne peuvent pas se mettre à l’ombre.

Un arbre qui pousse les racines en l’air s’est visiblement gouré de sens.

Les arbres paraissent pratiquer une coexistence pacifique. L’olivier est d’ailleurs le symbole de la paix. Mais, sous terre, au niveau des racines, que de bagarres pour lamper l’eau et toutes les substances nutritives.

Ne vous aventurez que dans les forêts impénétrables. Au moins vous aurez du mérite si vous en ressortez.

Il y a aussi des hiérarchies dans les forêts. Celles de haute futaie méprisent les simples boqueteaux.

Les forêts en ont marre des petits poucets qui cochonnent les sous-bois en semant des cailloux.

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Comme tout le monde les arbres ont un devant et un derrière. Facile à reconnaître, si ce n’est pas l’un c’est l’autre.

Les arbres pas bêtes se pointent le long des rivières. Un peu comme les alcooliques le long des comptoirs.

Promenons-nous dans les bois pendant que les tronçonneuses n’y sont pas !

Si vous apercevez un sanglier ou un cerf en haut d’un arbre, considérez qu’il y a une erreur quelque part.

Il est aussi abominable de planter un arbre puis de le couper que d’élever un animal et de le tuer. Je ne mangerai plus de bois !

Les arbres solitaires ont certes beaucoup plus de place pour étendre leurs racines, mais si vous saviez comme ils s’ennuient.

Autrefois les déesses et les fées hantaient les forêts. Comment voulez-vous qu’elles continuent à charmer au son des tronçonneuses ?

Si dans une forêt vous voyez débouler vers vous un sanglier, dites-vous que vous avez de la chance. À d’autres époques, ça aurait pu être un mammouth ou un dinosaure.

Ne vous y fiez pas. Sous une écorce rude, certains arbres ont un cœur tendre.

Un arbre sobre n’a jamais la gueule de bois.

C’était un économiste avisé. il apprit que, du fait de la déforestation en Amérique du Sud et du décollage de l’économie asiatique, le prix du bois allait augmenter. Il acheta d’avance son cercueil.

Sous les chênes tricentenaires, comment ne pas se sentir tout petit comme un gland ?

Le cèdre est l’arbre qui vit le plus longtemps, parce qu’il sécrète une substance amère qui éloigne les parasites. La longévité serait-elle tributaire de l’acrimonie du caractère ?

La supériorité de l’arbre sur l’être humain, c’est que lorsqu’il meurt l’arbre tient généralement debout un certain temps.

Les arbustes ont parfois des lubies. Certains se font faire des coupes en boule, en chandelle, en couronne, en quenouille ou en éventail.

N’ayant jamais su s’il fallait dire monter « dans un arbre » ou « sur un arbre », grimper « à l’arbre » ou « sur l’arbre », j’ai décidé de rester au pied.

Avez-vous pensé aux supplices que l’on fait subir aux arbres ? On les abat, on les ébranche, on les écime, on les tronçonne, on les écorce, on les équarrit ? À quand une Société protectrice des végétaux ?

Les arbres sensuels ne restent pas de bois devant les fées court vêtues.

La géométrie est importante pour les arbres. Passer de la verticale à l’horizontale leur est généralement fatal.

Les arbres ambitieux à l’esprit littéraire rêvent de finir en pâte à papier du dernier Prix Goncourt.

Une forêt abattue aurait bien besoin d’un psy.

Je n’ai jamais compris pourquoi les arbres se dépouillent de leurs feuilles en automne, alors que c’est une saison plutôt frisquette.

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C’est au pied de l’arbre qu’on voit le bûcheron, mais aussi le chien qui lève la patte.

Le fait pour les arbres d’avoir chaque année de nouvelles feuilles fait rêver les chauves.

Couper un chêne centenaire, c’est anéantir le témoin d’un siècle de vie humaine, mais aussi risquer de prendre plusieurs stères de bois sur la figure.

L’arbre de la liberté qu’on avait planté solennellement et symboliquement sur la place est maintenant au milieu d’un parking toujours embouteillé.

La question est posée. Qui survivra à l’autre : le dernier arbre ou le dernier humain ?

J’aurais bien aimé être un arbre, mais qui marche.

 

À propos de l'auteur

Denis Langlois

Ancien avocat parisien spécialisé dans la défense des Droits de l'Homme. Écrivain, auteur d'une trentaine de livres dont "L'Affaire Seznec", "La Maison de Marie Belland" ou "La Politique expliquée aux enfants (et aux autres)". Écrit des aphorismes humoristiques qu'il a publié dans diverses revues, notamment "Fluide Glacial". Vit depuis une quinzaine d'années en Auvergne.

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