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Denis Langlois- photo Jacques Revon.
Entretiens

Denis Langlois dans les méandres de l’Affaire Saint-Aubin

Accident ou attentat? Simple fait divers ou crime d'état? L'Affaire Saint-Aubin, qui a commencé sur une route du Var, garde aujourd'hui ses mystères. Denis Langlois en livre aujourd'hui le récit dans un livre paru aux Editions de la Différence.

Ça commence comme un banal et dramatique fait divers. De ceux qui « valent » quelques lignes dans les pages des quotidiens régionaux. Sur une route mouillée du Var, du côté de Puget-sur-Argens, une Volvo, immatriculée en Suisse, s’écrase contre un arbre. Ses occupants, deux jeunes gens, Jean-Claude Saint-Aubin et Dominique Kaydasch, sont tués sur le coup. Nous sommes le 5 juillet 1964.

Pourtant 55 ans plus tard, « l’accident » suscite encore débats et controverses. Aujourd’hui écrivain, l’ancien avocat Denis Langlois, qui signe régulièrement des chroniques pour 7 Jours à Clermont, reprend le fil de cette histoire qui a marqué son époque et conserve sa part de mystères.  Il publie aux éditions La Différence un livre simplement intitulé L’affaire Saint-Aubin. 

Avocat et écrivain

« J’ai été l’avocat de la Ligue des Droits de l’homme entre 1967 et 1971. A un moment donné, Monsieur et Madame Saint-Aubin ont saisi la Ligue et j’ai donc été amené à m’occuper du dossier » rappelle-t-il. Plongé dans les méandres de cette affaire nébuleuse et symbolique d’une époque, Denis Langlois y a consacré un chapitre important lors de son fameux ouvrage Les dossiers noirs de la justice française, paru en 1975. Puis? en 1993, il a écrit Le mystère Saint-Aubin (Flammarion). « Un quart de siècle plus tard, le dossier a connu quelques développements. J’ai ainsi éprouvé le besoin de  refaire le point sur ce marathon judiciaire, d’actualiser le récit. » Dans L’affaire Saint-Aubin, l’écrivain, qui vit à Chamalières, livre un récit chronologique des événements, tout en exposant les différentes versions.

De dissimulations en suppositions   

Pourquoi donc un simple accident supposé se transforme-t-il en affaire politico-judicaire?  En dépit du classement très rapide du dossier par la justice, la famille Saint-Aubin a immédiatement des doutes. Claude, le fils, participait à des rallyes automobiles. Comment a-t-il pu perdre le contrôle de son véhicule sur un tronçon sans la moindre difficulté ? Or un témoin de l’accident va révéler qu’un camion militaire aurait provoqué l’accident et pris aussitôt la fuite Malgré le classement sans suite du « fait divers » par la justice, Andrée Saint-Aubin, la mère de famille, va remuer ciel et terre pour tenter d’obtenir la vérité. Accident? Attentat? Complot? Les thèses vont fleurir et s’affronter. L’une d’entre elles soutient que les deux jeunes gens auraient été les victimes d’une méprise et que les services secrets français visaient en fait Jean Méningaud, le trésorier de l’OAS qui, lui-même, possédait une Volvo immatriculée en Suisse. En 1964, en effet, les plaies de la Guerre d’Algérie ne sont pas refermées et quelques semaines plus tard, d’ailleurs, un attentat visant le Général de Gaulle sera perpétré au Mont-Faron dans le Var.

Le combat d’une femme

Au fur et à mesure des épisodes et des années, les incohérences du dossier apparaîtront. « Des choses ont été dissimulées, d’autres ont disparu. La justice, elle-même, a mis neuf ans avant d’entendre le principal témoin de l’accident » précise Denis Langlois. Si en 1983, la famille Saint-Aubin a obtenu 500.000 francs de l’époque pour « mauvais fonctionnement de la justice », le dossier, plutôt gênant pour l’Etat, n’a jamais été rouvert.

« Sans Andrée Saint-Aubin, l’affaire n’aurait jamais existé. Elle, qui était la femme d’un bijoutier très connu à Dijon, est devenue enquêtrice, contestatrice, un peu subversive. Elle a fait preuve d’un grand courage, d’une détermination sans faille » explique l’écrivain. En 2003, Madame Saint-Aubin est décédée. Aujourd’hui, son fils, François, le frère d’une des victimes de Puget-sur-Argens, affirme sa volonté de reprendre le flambeau. «55 ans ont passé mais il peut rester aujourd’hui quelques témoins, des militaires, par exemple. J’espère que l’un d’entre eux se décidera à parler. D’autre part, il faut savoir que le secret-défense peut être levé au bout de 60 ans. C’est un espoir » estime Denis Langlois. Lui-même, on le sait, s’est déjà longuement penché sur les secrets de l’affaire Seznec. « Il y a des points communs, un même combat pour la vérité, la justice. Et des dossiers qui s’étendent sur un temps très long. Pour le reste, les deux histoires ne se ressemblent guère » souligne l’ancien avocat dont l’itinéraire personnel s’est trouvé confronté à deux mystères du XXe siècle. Toujours non élucidés.

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

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