Nicolas de Virieu est un documentariste qui a réalisé une trentaine de films dont les deux tiers sont consacrés au Basket. Depuis près de 25 ans, il se concentre sur ce sport en l’abordant sous tous les angles en particulier celui de la transmission. Avec une telle approche, il était inévitable qu’il réalise un film sur la grande épopée des Demoiselles de Clermont, la célébrissime équipe féminine du CUC, treize fois championnes de France de basket, cinq fois battues en finale de Coupe d’Europe dont 4 fois par l’intouchable équipe soviétique de Riga.
Un collectif pour une épopée européenne
Le film remonte le temps jusqu’à la saison 70/71 au moment où Edith Tavert transmet les rênes à Joë Jaunay entraîneur possédant la particularité de travailler aussi bien avec les femmes que les hommes que ce soit en club ou en équipe de France. C’est lui qui donne l’impulsion nécessaire pour que le CUC devienne l’un des meilleurs clubs européens des années 70, en imposant des méthodes d’entraînement digne des professionnels. Nicolas de Virieu a choisi de faire témoigner Jacky Chazalon, Colette Passemard, Irène Guidotti, Elisabeth Riffiod, son fils Boris Diaw et Vincent Collet entraîneur de l’équipe de France, pour retracer l’extraordinaire parcours de cette équipe, dans un championnat écrasé par les pays de l’Est. En 1970, la France n’avait pas vécu d’épopée européenne, depuis la finale perdue de coupe d’Europe des clubs champions opposant le Football Club de Reims au Real Madrid en 1959… et le film composé de témoignages entrecoupés d’archives extraites des fonds de l’INA, de photos et coupures de presse, permet de comprendre la montée en puissance de ce collectif singulier tant sur le plan sportif que sociétal.
Les prémices de la sortie du patriarcat
L’intensité de ce documentaire provient du traitement proposé par le réalisateur qui a choisi de mettre l’humain au premier plan, avant le sport. Ainsi l’enchaînement des saisons, impose petit à petit l’idée que Les Demoiselles de Clermont ont été les cheffes de file du sport collectif féminin en France à une époque ou la société est encore engoncée dans le patriarcat. Derrière les exploits, elles posent les bases d’une véritable révolution, faisant voler en éclat d’incroyables règles n’autorisant aux femmes que la pratique de certains sports individuels. En restant des « demoiselles » de 25 ans, elles imposent cette idée que le rôle des femmes n’est pas uniquement familial, qu’elles peuvent voyager, s’engager et piloter sportivement des voitures comme le montre une brève séquence où Jacky Chazalon répond aux questions d’un journaliste alors qu’elle est au volant de sa Ford Escort sur le circuit de Charade.
Les Demoiselles face au mur Ouliana Semenova
Impossible d’évoquer le basket féminin des années 70 sans parler de l’équipe soviétique de Riga et de Ouliana Semenova, considérée comme « L’arme absolue soviétique ». Joueuse totalement hors norme, cette dernière atteinte d’acromégalie, une anomalie de croissance, mesure entre 2m 10 et 2m 20. À l’époque, sa présence dans l’équipe était la garantie d’éloigner à jamais le CUC du titre européen. Nicolas de Virieu a sélectionné de nombreuses séquences d’archives où l’on voit évoluer Semenova dominant les Demoiselles de la tête et des épaules dans le sens le plus littéral du terme, conduisant inexorablement Riga à la victoire. Mais replaçant toujours l’humain au centre du propos, le réalisateur n’hésite pas montrer la violence verbale contre la joueuse et sa remise en cause au sein d’une équipe y compris dans une presse quelque-peu chauvine. Il montre également comment les joueuses du CUC sont, malgré tout devenues, amies avec une Semenova prisonnière de son corps et de sa patrie.
Les Demoiselles de Clermont, documentaire de 58 minutes de Nicolas de Virieu. Diffusion samedi 30 novembre sur la chaîne L’Equipe à 8h05 puis visible sur L’Equipe Explore.
Lire aussi l’article de Marc François : CUC : demoiselles de Clermont et coqueluches de la France.
Commenter