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Photo Musée du basket.
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CUC : demoiselles de Clermont et coqueluches de la France

Dans les années 70, la France s'est entichée des "demoiselles de Clermont". Treize fois championnes de France de basket, les joueuses du CUC ont disputé cinq finales de Coupe d'Europe. Toutes perdues face à la même équipe.

Des vieilles coupures de journaux jaunies, quelques images de l’INA. Et pour les survivantes de cette épopée, et aussi les spectateurs de l’époque, une tonne de souvenirs. En ces temps-là, la France du sport avait quelques héros populaires, à l’image d’un Raymond Poulidor vieillissant et néanmoins au sommet de sa gloire. Et Clermont figurait au centre de cette carte sportive, avec son circuit de Charade, l’un des plus beaux au monde, théâtre de multiples Grand-Prix auto et moto, et aussi les demoiselles du CUC…Ces « women in black » (la couleur de leurs maillots) raflèrent treize titres de championnes de France de basket. Mais ce sont avant tout les cinq finales européennes jouées- et perdues- qui en firent des figures marquantes des seventees.

Jacky Chazalon, la joueuse du siècle

Jacky Chazalon- photo D.R.

Des noms, d’abord, des noms bien-sûr : Jacky Chazalon, meneuse adroite, vive, technique, aujourd’hui inscrite au FIBA Hall of fame. Elle fut, selon les spécialistes, la joueuse française du XXe siècle. Et aussi Irène Guidotti, « petite » (1,71m)  arrière de feu au jeu complet, ou Colette Passemard, l’ailière athlétique et volontaire. Un fameux trio qui compte à lui seul près de 600 sélections en équipe de France. Mais encore  la « grande » Elisabeth Riffiod, la jolie Maryse Sallois, la prometteuse Catherine Malfois, la tenace Françoise Quiblier, l’Américaine Mary Anne O’Connor et aussi Christine Dulac, aujourd’hui devenue Rougerie. L’actuelle adjointe aux sports de la ville de Clermont n’aime pas trop se pencher sur ce passé fait d’exploits, de titres, de voyages. Est-ce la volonté de ne pas céder à la nostalgie ? Ou bien les dissensions apparues, ici ou là, ont-elles laissé des traces indélébiles ? A ces inoubliables demoiselles, il convient aussi d’ajouter les noms de Michel Canque, le président du club, et de Joe Jaunay, l’emblématique entraîneur.

De l’ASM au CUC

L’histoire des « demoiselles de Clermont » débute … au sein de l’ASM. Le club cher à Michelin remporte trois titres nationaux entre 1958 et 1962 et compte, au sein de son effectif, de grands espoirs de la discipline. Pourtant, en 1964, l’entraîneur Edith Tavert, elle même ancienne joueuse internationale, préfère assister à une réunion de l’Amicale des entraîneurs d’athlétisme à Paris plutôt que d’accompagner son équipe lors d’un déplacement à Marseille. La sanction est radicale: l’ASM la licencie sur le champ ! Par solidarité, quatre-vingt dix joueuses, depuis l’équipe première jusqu’aux benjamines, décident de suivre leur entraîneur et de « traverser » la ville. Elles rejoignent, sans coup férir, le Clermont Université Club qui, jusque-là, ne possédait pas de section féminine. L’équipe une doit redémarrer à l’échelon régional avant de regagner le plus haut niveau. Ce qui est fait dès 1966.

Irène Guidotti- photo D.R.

Clermont, place forte

Joe Jaunay est alors l’homme fort du basket féminin français. L’entraîneur national prend l’initiative de rassembler la plus grande partie des internationales françaises sous un seul et unique maillot . Clermont est choisi, avec l’assentiment de Michel Canque. La décision ne tarde pas à porter ses fruits. Un peu comme le PSG aujourd’hui en football, le CUC truste les titres et domine de la tête et des épaules un championnat national, où Montceau-les-Mines joue timidement les seconds rôles. Entre 1968 et 1991, les titres se succèdent, presque naturellement, et sans véritable concurrence. Pas de quoi déchaîner les passions tant le sport féminin, à l’époque, est cantonné aux entre-filets. Il faut bien un titre olympique, celui de Colette Besson par exemple sur le 400 mètres de Mexico en 68, pour lui donner une véritable caisse de résonance. Et pourtant, les filles de Clermont ne vont pas tarder à devenir les coqueluches de la France.

Cinq finales européennes

L’équipe de France de football, à l’ère Georges Boulogne, est aux abonnés absents. Dans les sports collectifs, à l’exception du rugby, les tricolores ne jouent guère les gros bras sur l’échiquier international. Et voilà que nos Clermontoise défient le continent, accumulant les succès comme elles enfilent les paniers. La Coupe d’Europe sera leur impossible Graal, celui, néanmoins, qui les projettera à la une de l’actualité. Dans une Maison des Sports pleine à craquer, et devant les caméras de l’ORTF, Chazalon et ses camarades déroulent leur partition avec virtuosité. Mais il y a un os. Toujours le même… et il vient des bords de la Baltique. Le Daugava Riga (la capitale lettone est alors en Union Soviétique) est ce que Merckx est au cyclisme. Un cannibale !  qui compte en ses rangs une joueuse géante, Ouliana Semenova dont la taille oscille, selon les sources, entre 2,10 et 2,20m.  » Imaginez une sorte de grue qui serait montée sur rails, aux qualités plus mécaniques que sportives, une grue dont les mains levées arriveraient à 15 cm du panier. Les règles du basket sont respectées bien sûr, mais le spectacle en souffre » commente le journaliste François-Henri de Virieu (il présentera, plus tard, L’Heure de vérité). A cinq reprises, le CUC atteindra la finale de la Coupe d’Europe. Et cinq fois, Goliath aura raison de David.

Le SCAB (ici Anaël Lardy) tenta de reprendre le flambeau. En vain…

L’histoire se referme

Les belles histoires ont, aussi, une fin : le départ de Jacky Chazalon, puis ceux d’Irène Guidotti et d’Elisabeth Riffiod  (elle est aujourd’hui la mère du basketteur Boris Diaw) ne furent pas sans conséquence sur le plan sportif. Alors entraîné par l’Américain Bill Sweek, le club résista un temps… avant de passer la main au Stade Français, devenu la référence sur le plan national. En 1985, triste conclusion : la section féminine déposa son bilan. Le SCAB (Stade Clermontois Auvergne Basket) tenta bien de reprendre le flambeau, quelques années plus tard, autour de talents comme Anaël Lardy ou Paoline Salagnac, mais l’heure de gloire du basket féminin à Clermont était passée.

L’équipe du CUC en 1972- photo La Dépêche du Midi.

 

Yves Meunier se souvient

Alors jeune journaliste à la station régionale de l’ORTF, où il cumulait télévision et radio, Yves Meunier, désormais chroniqueur pour 7 Jours à Clermont, a suivi les exploits des filles du CUC. Il revient sur un épisode qui, en 1973,  l’a particulièrement marqué. Nous étions alors un an après le dramatique accident du Vickers Viscount d’Air Inter, devant relier Lyon à Clermont. L’avion s’était écrasé dans les bois noirs au dessus de Noirétable, provoquant la mort de 60 personnes.

 » 6 octobre 1973. Une coalition arabe emmenée par l’Egypte et la Syrie attaque Israël en guise de match retour de la guerre des six jours de 1967. Début novembre, les demoiselles de Clermont devaient affronter le Maccabi Tel Aviv en match aller des 8èmes de finale de coupe d’Europe.

La Fédération Internationale de basket annule donc la confrontation et qualifie le CUC pour le tour suivant. Le 24 octobre, l’ONU impose un cessez-le-feu. Ni une ni deux, le président clermontois Michel Canque insiste pour jouer le match à Tel Aviv.

Nous voilà donc partis à l’aventure alors même que le cessez-le-feu de cette guerre du Kippour n’est pas respecté et que la famille et les amis nous ressassent que tout cela est folie.

Avec mon cameraman et toute la troupe clermontoise nous embarquons dés potron minet dans le Viscount d’Air Inter pour Paris sans savoir que le péril nous attend au coin des pistes d’Orly.

L’un des deux trains d’atterrissage refusant de se verrouiller, c’est un ‘’scénario catastrophe’’ qui s’installe dans l’avion tandis que le personnel de bord nous explique le pourquoi et le comment d’un inévitable atterrissage sur le ventre. Entre les larmes des demoiselles, la pseudo bravoure d’une partie des passagers et l’impassibilité de François Michelin qui était de ce vol, imaginez l’ambiance !

Comme il faut brûler un maximum de kérosène pour éviter un embrasement, nous allons tourner pendant 80 très longues minutes au-dessus d’Orly où le trafic est interrompu tandis que les pompiers jalonnent la piste avec les canons à neige carbonique.

Au bout du compte, le copilote, suant sang et eau et pompant tel le Shadock, parvient à tenir la pression dans le système pneumatique du train défaillant et l’avion s’immobilise en bout de piste en louvoyant un peu mais sans dommages.

Hourras pour l’équipage, champagne offert par Air Inter, coups de téléphone pour rassurer les familles et raconter la mésaventure aux auditeurs de Radio Auvergne.

Il restait à monter dans le 747 pour Tel Aviv, à passer presque tout le vol au bar (à l’époque on pouvait !), à découvrir joyeusement Israël pendant trois jours, du port de Saint-Jean d’Acre à Jérusalem en passant par le plateau du Golan où nos voitures de locations slalomaient entre les débris de matériels, côtoyant les convois militaires, les chars d’assaut et les troupes de Tsahal… dans une ambiance assez surréaliste.

Ah oui, quand même, nos filles gagnaient le match avant de retrouver Riga quelques mois plus tard pour leur troisième finale européenne. »

Yves Meunier.

 

 

 

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

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