Vingt fois, je m’y suis rendu. Comme l’on va à une cérémonie. Fidèlement, en empruntant toujours et obstinément la même route, en guise de préambule : celle qui rejoint Montluçon et passe par la forteresse médiévale de Culan, aux limites de l’Allier et du Cher, pour s’orienter vers Châteauroux via La Châtre puis prend la direction de Tours. Une route, en juin, bordé de coquelicots… Très souvent, je me suis arrêté à Loches, dans la douceur du Val de Loire, pour y passer la soirée du vendredi à l’ombre du château royal, repartant le samedi à l’aube vers Le Mans…
Une course de légende, des duels de titans
Mon premier contact eut lieu lors d’une édition dont on dit volontiers qu’elle fut la plus belle, la plus colossale : un duel de titans entre Ford et Ferrari, à l’été 1967. J’y vécus les exploits de Jacky Ickx et, en particulier, son invraisemblable remontée de 1977 au cœur de la nuit sarthoise au volant d’une Porsche 936. Et j’étais là lors de chacune des neuf victoires remportées par le Danois Tom Kristensen avec Audi et Bentley. A l’exception de la première (TWR Porsche, 1997)…
Le Mans : son histoire, sa légende, sa nuit, son atmosphère unique. Ses odeurs, son public (250.000 personnes), son circuit (plus de 13 km) qui défie les standards actuels. Davantage qu’une course, une véritable fête populaire, sur fond de bruit de moteurs et de vitesse. 24 Heures à fond…
Les Allemands ont jeté l’éponge
Cette année, je n’irai pas au Mans. Et pour cause. L’épreuve vit une mauvaise passe. Comme elle en a déjà rencontré au tout début des années 90. Le championnat du monde WEC (World Endurance Championship) subit une telle désaffection que le vainqueur en est connu d’avance. Ce sera Toyota, désormais seul en lice, depuis qu’Audi puis Porsche ont jeté l’éponge. Toyota, l’éternel perdant, a fini par gagner faute de concurrents. Et il va s’imposer le week-end prochain, sans le moindre adversaire pour lui barrer la route. Et ce ne sont pas les soit disant « équivalences technologiques » qui vont redistribuer les cartes.
Certes, il y aura du suspense dans les différentes catégories (GT et LMP2). Mais ce sont bien les luttes au sommet (pour la victoire au classement général) qui ont écrit la légende des 24 Heures. On se souvient des grands duels, Mercedes-Jaguar, Ford-Ferrari, Ferrari-Matra, Porsche-Renault, Audi-Peugeot, pour la victoire au scratch et si peu des lauréats des sous-classements… L’édition 2019 n’apportera rien à la grande histoire du Mans même si Fernando Alonso, aligné au volant de l’un des deux prototypes japonais, devait y signer un deuxième succès. « Dis moi qui tu as battu, je te dirai quel vainqueur tu es… »
La perspective des « hypercars »
Emporté par une frénésie technologique, le championnat d’endurance a fini par se saborder. Le « diesel gate » du groupe Volkswagen a été comme la goûte d’essence qui a fait déborder le vase, en entraînant le retrait des constructeurs allemands. Désormais, les responsables de l’A.C.O et ceux du championnats du monde se retrouvent au pied du mur. Ils vont annoncer cette semaine une nouvelle formule, celle des « hypercars », destinés à susciter un nouvel engouement dès l’édition 2021. Souhaitons qu’ils sachent négocier ce nouveau virage sans quoi la plus importante épreuve mondiale de sport-automobile, avec les 500 Miles d’Indianapolis, pourrait être en danger. Personne ne le souhaite à ce monument français, à la dimension planétaire.
Commenter