« Je suis lesbienne. Mais je suis en train de me séparer de ma compagne. Même si nous veillons à ne pas nous disputer devant elle, ma fille, âgée de dix ans, perçoit nos dissensions. Elle avait mis du temps à accepter la formation de notre couple, mais elle avait fini par nous considérer comme ses parents. Aujourd’hui elle a compris notre nouvelle situation. Et elle me reproche notre décision qui rompt un équilibre, qui ne la « calcule » pas. Elle se sent abandonner ! Ce n’est pourtant pas le cas. Je ne sais pas comment le lui faire comprendre… »
La relation que les parents entretiennent entre eux joue un rôle essentiel dans la construction de leur enfant. Votre fille se structure à partir de ce que vous lui apportez, jour après jour, consciemment ou non, dans le domaine social, familial et biologique. Ce que vous disiez, ce que vous faisiez jusque-là rendait visible à ses yeux l’harmonie de votre union. Mais elle ressentait aussi ses dysfonctionnements plus obscurs, car les relations au sein d’un couple portent la marque de mésententes secrètes : les reproches, les compromis, l’ambivalence, les sentiments réinitialisés, les doutes, les délaissements, les décalages dans le désir, les demandes d’amour laissées sans réponse…
Vos rapprochements et vos éloignements, vos ententes et vos divergences transmettent à votre enfant l’exemple d’une façon de s’attacher et de s’unir à laquelle il se réfèrera plus tard. Il ne s’agit pas de prôner un type de famille ou un autre, mais de repérer les références que votre fille « picore » au sein de la sienne.
Un roman familial
Ce à quoi votre enfant est sensible aussi, c’est « aux intentions qui lui sont affectivement communiquées », à l’amour dont il est l’objet, à la place qu’il occupe dans votre désir de parents. Ces éléments restent très énigmatiques. Pour les structurer, votre fille devra inventer un roman familial, une histoire qui sera la sienne. Elle s’inspirera de la réalité dans laquelle elle baigne, mais elle y intégrera des fantasmes qui seront les siens. L’abandon par exemple. Ainsi, que le couple tienne, qu’il soit en crise ou séparé, typique ou atypique, l’enfant trouvera toujours à s’inventer une histoire, enrichie de ses spéculations et de ses interprétations. Une fois qu’il l’aura élaborée, il y tiendra comme à la prunelle de ses yeux !
Certaines personnes ne parviennent jamais à « refermer » ce roman. Elles l’entretiennent tout au long de leur vie. Cependant, le plus souvent, son usage maximal intervient à l’adolescence. L’histoire s’effiloche ensuite, au fur et à mesure que l’enfant accepte ses parents avec leurs « vraies » qualités et leurs « réels » défauts.
S’il vous semble que votre fille se complaît trop longtemps dans ses élucubrations, proposez-lui de venir en parler avec un psychologue. Avec son aide, elle parviendra petit à petit à démêler l’écheveau.
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