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Stéphane Bourgoin, à droite, interroge le serial killer Donald Harvey en 2005. Photo : Stéphane Bourgoin
Entretiens Week-End

Stéphane Bourgoin : ”Le serial killer est peut-être l’ogre moderne de nos sociétés”

Son visage ne vous est pas inconnu. Il truste les plateaux de télévision depuis des années car il est LE spécialiste français voire mondial, des serial killers. Il vient ce dimanche 25 novembre au ciné Jaude à l’occasion d’une soirée où sera projeté "Zodiac", de David Fincher, à 19 h. Il sera aussi en dédicace vendredi 23 novembre à 17h30 à la FNAC de Clermont-Ferrand, pour évoquer son dernier ouvrage “ L’ogre des Ardennes”, consacré à Michel Fourniret. Il a accepté de répondre à nos questions.

7 Jours à Clermont : Quelle est votre définition du serial killer?

Stéphane Bourgoin : Rappelons d’abord qu’il n’y a pas de définition officielle en France, cette qualification n’existant pas dans le Code Pénal. Selon le FBI, il s’agit de quelqu’un qui va tuer au moins trois fois avec un certain intervalle de temps entre chacun des crimes,  ce qui le différencie de tueurs de masse comme Anders Behring Breivik ou Richard Durn. J’ajouterais qu’il faut au moins un mobile d’ordre psychologique.

7JAC : Comment vous êtes-vous intéressé aux tueurs en série?

S.B : J’en ai interrogé 77 depuis 1979 sur tous les continents. Cela est dû au meurtre et au viol de ma compagne en 1976, elle même tuée par un serial killer.

7 JAC : Si vous deviez retenir une rencontre parmi ces 77, ce serait laquelle?

S.B : Probablement la rencontre avec celui qui a été mis en lumière par la série de David Fincher, Mindhunter, en l’occurrence Ed Kemper, géant nécrophile et cannibale. Il est emprisonné depuis 1972. Il mesure 2, 15 mètres, pèse 160 kilos et son QI dépasse celui d’Einstein.

7 JAC : Dans votre parcours, vous avez été témoin de la naissance du profiling aux USA. Racontez-nous.

S.B :  J’ai commencé à interroger des tueurs en série au moment même où le FBI lançait des entretiens systématiques avec 36 serial killers. A l’époque, quand j’ai débuté, j’ignorais que le FBI menait ce programme, je ne l’ai su que par la suite. Contrairement aux agents du FBI qui utilisaient des magnétophones à bande, les nagras, j’ai commencé très rapidement à filmer mes entretiens. J’ai proposé au FBI de leurs faire des copies. Ils ont accepté. Elles ont été utilisées pour leurs formations et, afin de me remercier, le patron de l’unité à Quantico m’a proposé de suivre en tant qu’auditeur libre la formation de profiler au FBI. Chose que j’ai évidemment acceptée.

7 JAC : Lorsque l’on côtoie la mort comme vous le faites depuis des années, ne perd-on pas foi en l’humanité?

S.B : C’est vrai que c’est assez plombant. Parfois je me suis rendu sur des cimetières privés de tueurs en série, j’ai assisté à des autopsies. J’ai des centaines de milliers de scènes de crimes dans ma cave. En même temps, assez paradoxalement, je n’en apprécie que plus les petits plaisirs de la vie : boire un bon vin, m’occuper de mon jardin potager. J’ai toujours eu des chats, qui sont soit venus vers moi, soit que j’ai adoptés à la SPA. J’ai même une petite chatte qui porte le nom de Bundy, un tueur en série. Elle est la vraie star de ma page Facebook.

7 JAC :  Vous venez à Clermont-Ferrand à l’occasion de la projection du film Zodiac, de David Fincher. Quel est le profil du tueur en série de ce long-métrage?

S.B : Il a assassiné un grand nombre de personnes en revêtant un costume avec des signes du zodiaque. Ca se passe dans la région de San Francisco. Il a aussi envoyé aux médias et à la police, des messages cryptés et faisant appel aux signes du zodiaque.

7 JAC : Est-ce un bon film selon vous?

S.B : Le film est vraiment excellent avec un style de mise en scène que l’on retrouve dans la série Mindhunter : des images assez froides, glaçantes, un rythme relativement lent et une absence totale de sensationnalisme.

7 JAC : Pourquoi les serial killers sont-ils si inspirants pour les cinéastes selon vous?

S.B :  Ca n’est pas vraiment nouveau par rapport aux thrillers ou à l’histoire des films policiers ou des films noirs. Il s’agit toujours de la lutte entre le bien et le mal. Autrefois, on retrouvait plutôt des films de gangsters, la traque par la police. Le serial killer est peut-être l’ogre moderne de nos sociétés. Il remplace un peu Dracula, Frankenstein de l’époque victorienne. Ce phénomène permet aussi, à l’image des romans de Stephen King, d’engendrer la peur du serial killer, et l’on se dit que cela pourrait nous arriver. Et en même temps que l’on regarde le film ou que l’on lit le livre, on est tranquillement assis dans un fauteuil, en sécurité, à se faire des petits frissons.   

À propos de l'auteur

Catherine Lopes

Journaliste diplômée de l’Ecole de Journalisme et de Communication de Marseille, Catherine arrive en Auvergne en 2006 et fait ses armes sur Clermont Première. Après plusieurs années de collaboration,  elle découvre ensuite le monde de la pige et travaille pour plusieurs sociétés de production. Elle écrit aussi pour le web et fait de la radio. Véritable touche à tout, Catherine aime avant tout raconter des histoires.

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