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« Je suis un fanatique de la modération ». Coll. Claire Salvy, son arrière-petite-fille.
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Pierre de Nolhac, un « Versaillais » militant

Si Versailles nous était conté, un Sacha Guitry rendrait forcément hommage au conservateur enthousiaste de ses collections pendant près de trente ans, Première Guerre mondiale comprise.

Prononcez « Noilac » et sachez qu’aucun titre n’a rehaussé ce patronyme de noblesse ! C’est l’enrichissement d’un aïeul, notaire à Saint-Privat-d’Allier au XVIIe siècle, qui a permis l’achat d’un fief ne subsistant que sous l’apparence flatteuse d’un nom sonnant bien.

De Nolhac naît le 15 décembre 1859 à Ambert où son grand-père maternel, Louis Pacros-Collange, originaire de Marsac-en-Livradois, est médecin. La famille échoit à Riom, en 1877, car de Nolhac père vient d’être nommé à la tête des hypothèques de la ville, quelques mois avant de prendre une retraite anticipée pour raison de santé. Nouveau déménagement, destination Clermont-Ferrand où Pierre obtient sa licence ès-lettres, en 1880.

Cette même année, au lendemain de son mariage clermontois – célébré le 21 octobre avec Alix de Goÿs de Mezeyrac, fille unique d’un comte vellave ultra-royaliste –, il rejoint brillamment l’École française de Rome. Son histoire d’amour avec l’Italie commence. Sa vie de château, à Versailles, aussi…

Peint à Versailles par son fils, Henri. © Château de Versailles.

Guerre et paix

Ses fonctions successives d’attaché de conservation (1886), conservateur en titre du château (1892), du parc et des Trianon, ainsi que sa désignation comme responsable scientifique de la bibliothèque municipale jalonnent plus de trente ans de sa vie.

Quand éclate la Première Guerre mondiale, P. de Nolhac se mue en patriote fervent et poète lyrique pour louer ce « Trésor de notre gloire et de notre passé » et fustiger « L’impur Barbare [qui] a fui sans pouvoir te saisir. » De la pile d’ouvrages sans cesse complétés et réédités composant son impressionnante production versaillaise se dégagent Le Château de Versailles au temps de Marie-Antoinette[1], des essais sur les peintres Fragonard, Boucher, Nattier ou Vigée-Le Brun, ainsi qu’un Louis XV à Versailles[2].

À ces publications s’ajoutent une traduction d’Érasme (L’Éloge de la folie), la poursuite d’une analyse de l’œuvre de Pétrarque, objet de sa thèse Pétrarque et l’humanisme soutenue en Sorbonne le 18 juin 1892, et un enseignement à l’École du Louvre. Hôte et acteur des négociations du traité de Versailles prévoyant, aussi, les réparations artistiques à demander à l’Allemagne, de Nolhac devient conservateur honoraire en 1920.

Pascal et comité France-Italie

28 juin 1919 — Signature du traité de Versailles. De g. à d. : Clemenceau, Woodrow Wilson, Lord Arthur Balfour et deux Auvergnats, le général Mordacq et Pierre de Nolhac © Château de Versailles.

En retraité actif, il prend les rênes du musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut de France dont dépend l’Académie française qui finit par l’élire, le 15 juin 1922, au fauteuil numéro 32. [Lire ci-dessous]

En « enfant de l’Auvergne », le dimanche 8 juillet 1924, il représente les « immortels » aux cérémonies clermontoises du tricentenaire de la naissance de Blaise Pascal[3]. Dans le square éponyme, il évoque ses souvenirs estudiantins de l’inauguration du monument, qui « a laissé en son esprit et en son cœur une trace ineffaçable ».

En citoyen d’honneur de la ville natale de Pétrarque, Arezzo, et inspirateur du comité France-Italie, créé en 1929 dans le sillage des accords du Latran conclus entre le Saint-Siège et Benito Mussolini, il en prend la présidence en 1931.

Le 31 janvier 1936, Pierre de Nolhac, commandeur de la Légion d’honneur, s’éteint à Paris avant de rejoindre l’Éternité en terre riomoise.

Trente-deux, le fauteuil maudit !  

Les fauteuils de la « gloire nationale » ! © Jean-Christophe Marmaral – Le Figaro.

L’Académicien Marcel Pagnol ironisait sur « [l]’Académie française […], une étrange machine qui arrive à transformer une gloire nationale en fauteuil »… Précisément quarante fauteuils. Parmi eux, l’imprévisible numéro trente-deux… Son propriétaire depuis 1816, le journaliste et auteur-dramatique Louis-Simon Auger, se donne la mort le 2 janvier 1829, une première pour un « immortel » ! En 1909, le célèbre feuilletoniste Gaston Leroux s’en mêle en distillant Le Fauteuil hanté. Et les ennuis continuent…

1974 – L’historien Robert Aron est élu Académicien au satané fauteuil. Il meurt cinq jours avant sa réception, prévue le 25 avril 1975. Lui succède, en 1976, le célèbre commissaire-priseur Maurice Rheims, par ailleurs expert dans la succession Leroux !

Col roulé contre habit vert

Il meurt en 2003. Sa fille, Nathalie, lassée d’attendre que l’éloge de son cher papa soit prononcé par son successeur se fend, en 2011 (aux éd. Léon Scheer), du roman à clefs Le Fantôme du fauteuil 32. Tout ça parce que l’intronisation dudit successeur, Alain Robbe-Grillet, élu en 2004, ne cesse d’être retardée pour crime de lèse-protocole. Diantre ! Le « père du nouveau roman » s’obstine à ne pas vouloir porter l’habit vert, lui préférant son éternel col roulé rehaussé d’un smoking, et refuse que son discours soit approuvé par un aréopage académique. Sa mort, en 2008, clôt forcément la polémique… François Weyergans, arrivé en retard à sa réception, en 2011, a donc hérité des éloges de Rheims et Robbe-Grillet. Après le décès du romancier franco-belge, l’année dernière, « le » 32 attend sa prochaine victime ! 

[1]        Éditions Plon, 1936.

[2]        Éditions Flammarion, 1934.

[3]          La Montagne du 9 juillet 1923.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Simonet

Historienne de formation universitaire, Anne-Sophie Simonet arpente depuis des décennies le « petit monde » clermontois de la presse. Auteur d'une dizaine d'ouvrages, c'est en tant que président de l'association Les Amis du vieux Clermont qu'elle invite à cheminer dans sa ville natale, la plume en bandoulière.

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