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1925 : Le Conseil général, réuni autour de son président, pose fièrement au sommet du puy de Dôme qu’il vient d’acquérir. / © Archives départementales du Puy-de-Dôme
Chroniques

Les palettes d’Étienne Clémentel (1864-1936)

Politicien visionnaire, souvent audacieux, Etienne Clémentel fut à deux doigts de devenir président du Conseil en 1929. Celui qui fut maire de Riom durant 32 ans a aussi été l'ami d'éminents artistes de son époque.

Pour accompagner la publication d’une riche biographie sur le maire de Riom pendant 32 ans*, les archives municipales de la cité consacrent, jusqu’au 28 octobre, une exposition à la redécouverte du ministre polyvalent le plus inamovible de la Grande Guerre. Pourtant, Étienne Clémentel ne réussit jamais à être président du Conseil, même à deux doigts d’y parvenir, en octobre 1929. Alors que le monde bascule dans la crise économique, place à de nouvelles ambitions, telles André Tardieu ou le nouveau potentat radical (Républicain de gauche) auvergnat, Pierre Laval, patron du journal Le Moniteur.

Mis aussi en réserve du Sénat et victime, le 23 août 1930, d’un accident vasculaire cérébral suffisamment invalidant pour l’obliger à apprendre à écrire de la main gauche, Étienne Clémentel doit laisser, en 1931, son ami le Cantalou Paul Doumer entrer à l’Élysée pour un mandat assassiné.

Reclus à Prompsat, il y décède le 26 décembre 1936, une année plus concernée par les tourbillons politiques et sociaux que par la disparition d’un homme du passé, fut-il un grand serviteur de la République. 

Par petites touches…

Artiste de vocation, Clémentel démontra toute sa vie un goût réel et un talent certain pour l’écriture, le dessin, la peinture et la fréquentation des milieux artistiques. Claude Monet, Antoine Bourdelle et surtout Auguste Renoir comptent parmi ses amis. Décédé en 1917, Auguste Rodin consacra gracieusement son dernier buste en bronze (dont une copie, ainsi que sa « Gallia Victrix », ornent la cour de l’hôtel de ville de Riom) à son ami Clémentel, qui l’avait photographié notamment dans les jardins de son atelier parisien de l’hôtel Biron, rue de Varennes. Exécuteur testamentaire du sculpteur désireux de faire don de ses œuvres et collections à l’État en échange de la création d’un musée à l’hôtel Biron, son homme de confiance se démena pour qu’enfin, en 1919, la volonté de Rodin fût respectée.

Traditionaliste dans ses références historiques ou culturelles, Clémentel épouse l’engouement de son époque pour la civilisation celte. Une mode qui lui fait commettre, en 1933, le livret et les maquettes des décors de Vercingétorix, un opéra heureusement oublié, avec pourtant le grand Georges Thill dans le rôle-titre !

Souvent visionnaire dans ses options politiques, dès la Première Guerre mondiale, il jette les bases d’une régionalisation de la France, articulée autour des Chambres de commerce et pense, des décennies avant les premiers balbutiements de l’Europe, à une mise en commun des certaines ressources des alliés, sous l’égide d’institutions supranationales.

 

Le puy de Dôme, de Clémentel à l’UNESCO…

 

D’une audace presque « capitaliste » dans son approche de l’économie, il s’implique dans la première organisation moderne du patronat (la C.G.P.F.), les chèques postaux, les Chambres de métiers, le Registre du commerce, le Crédit agricole ou les Banques populaires…

Quant à l’élu auvergnat Clémentel, il offre à sa circonscription l’adduction des eaux du « goulet de Volvic », attire la Banque de France et ses imprimeries, dote Clermont de sa « nouvelle » préfecture, achète – au nom du Conseil général – le sommet du puy de Dôme et finance par une souscription publique un sanatorium qu’il souhaite placer « sous l’égide morale et matérielle de notre Patrie celtique [via] cette formule qui brillera pour toujours au frontispice de notre maison, comme une étoile : Arvernae cælo et anima salus” […] ». Le « sana » d’Enval, inauguré en 1934 par le président de la République Albert Lebrun, a su trouver un second souffle en devenant un établissement réputé de rééducation et de convalescence pour recouvrer « la santé au bon air de l’Auvergne ».

 

 

* Étienne Clémentel – Politique et action publique sous la IIIe République, ouvrage collectif sous la direction de sa petite-fille, Marie-Christine Kessler, directeur de recherches émérite au C.N.R.S., et Guy Rousseau, professeur agrégé et docteur en histoire, qui a enseigné en khâgne au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, éd. Peter Lang international, coll. « France contemporaine », 2018, 468 p.

Légende dessin: Clémentel aime distraire ses conseils des ministres en croquant goulûment le « p’tit père Combes » ou Poincaré. / © Archives départementales du Puy-de-Dôme

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Simonet

Historienne de formation universitaire, Anne-Sophie Simonet arpente depuis des décennies le « petit monde » clermontois de la presse. Auteur d'une dizaine d'ouvrages, c'est en tant que président de l'association Les Amis du vieux Clermont qu'elle invite à cheminer dans sa ville natale, la plume en bandoulière.

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