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Charles Sabourin : médecin, phtisique et novateur. © Coll. Lucien Vray.
Chroniques

Le « sana » pionnier de Charles Sabourin à Durtol

Il y a 100 ans, le docteur Sabourin était inhumé à Durtol, où il avait fondé, en 1896, le premier sanatorium de France dédié à la guérison des redoutables « maladies de poitrine ».
Le « sana » idéal, à Durtol.
Coll. privée.

9 novembre 1920 – « Au milieu d’une foule considérable, […] la plupart des médecins de Clermont, […] beaucoup de personnalités du département et presque toute la population de Durtol »[1] font à leur bon docteur, brutalement décédé trois jours plus tôt d’une hémoptysie foudroyante, les obsèques qu’il souhaitait : de « dernière classe », sans fleurs, ni couronnes, ni discours. Vient alors, plus ou moins tardivement, le temps des hommages…

Mis en service le 31 décembre 1936 sous la direction du professeur Pierre Luton, futur beau-père d’Alain Peyrefitte, l’hôpital-sanatorium de Clermont-Ferrand – devenu depuis 2015 l’École nationale d’Architecture – porte son nom.

Le 3 mars 1990, la « station climatique »[2] de Durtol baptise Charles-Sabourin le square de sa mairie, en souvenir d’un Durtolois de tout cœur et à pleins poumons !

Trente-cinq chambres de soins

De vivifiantes vérandas.
Coll. privée.

Natif de Châtellerault, le 19 juin 1849, le jeune Charles monte à Paris « faire » sa médecine. En surchauffe physique et intellectuelle, il devient phtisique. Cobaye de lui-même, le médecin Sabourin se soigne à sa façon, « à la dure », une discipline qu’il applique, en 1889, aux malades de Vernet-les-Bains. Après quelques saisons au pied du Canigou, peu satisfait des eaux trop sulfureuses et de l’altitude trop élevée de la station thermale des Pyrénées-Orientales, il prospecte un site de moyenne montagne, frais en été, peu humide en hiver.

Le « climat essentiellement sédatif » de Durtol, à 520 mètres d’altitude, le séduit d’autant plus qu’en 1896 l’ancien maire, le comte Albert de Clerval, lui loue son château. Sis au milieu d’un parc de cinq hectares orienté au sud et à l’est, il est protégé, au nord-ouest, par une colline couverte de grands bois inclus dans la propriété. De sa vaste allée-promenade en terrasse se dégage une superbe vue sur Clermont et jusqu’au Forez. Sabourin en devient propriétaire en 1898 et l’équipe de trente-cinq chambres de soins…

Le premier sanatorium[3] de France est né.

Durtol avec un grand air ! 

Une salle de restaurant strictement appétissante.
Coll. privée.

Sa devise : s’endurcir pour (sur)vivre… Après une longue nuit, fenêtres toujours ouvertes et chauffage presque toujours fermé, le parcours du combattant « tubard » durtolois commence. Dès le saut matinal du lit, un bain froid. Puis, repos, sieste et promenades entre petit déjeuner nourrissant, « grand déjeuner » copieux, goûter reconstituant et dîner rassérénant. Pour compléter l’ordonnance, silence obligatoire, soleil et jeux de cartes proscrits, temps de lecture limité, rédaction de courrier personnel le matin seulement, billard et vins (blanc et rouge) à volonté. Néanmoins, le médicament miracle de ce « protocole » c’est l’air, ainsi que l’indiquent les dépliants de l’époque, « pur et vivifiant de Durtol, pittoresque village inaccessible aux brouillards » mais desservi par la ligne de chemin de fer Limoges-Clermont ou la route depuis la capitale auvergnate, en trente minutes. Dans tous les cas, les « poitrinaires » (européens, algériens, canadiens, libanais ou argentins) « sont priés de se munir d’une ou deux couvertures de voyage, ou plaids, d’une pélerine en drap à capuchon et d’une ombrelle-parasol » !

Un fléau romantique

Phtisie. Sous son nom de baptême, datant Hippocrate – au Ve siècle avant Jésus-Christ – l’« étrange maladie » est une inséparable compagne de l’humanité souffrante ? Molière, en 1673 ; Antoine Watteau, en 1721 ; Napoléon II (« L’Aiglon »), en 1832 ; Marguerite Gautier, la suffocante Dame aux camélias d’Alexandre Dumas (1848) ; Frédéric Chopin, en 1849 ; Auguste Bartholdi, en 1904 ; Amedeo Modigliani, en 1920 ; la poétesse chamaliéroise Amélie Murat, en 1940 ; Abel Gance, en 1981… Et forcément l’un de nos aïeux en sont décédés.

Tuberculose. Sous son nom contemporain, apparu en même temps (1882) que la découverte de son bacille par le bactériologiste allemand Robert Koch, la « première des fièvres romantiques »[4] reste l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières, cause de plus de deux millions de victimes par an dans le monde, surtout en Afrique et Asie du Sud-Est, tandis que la France compte, chaque année, 5 500 nouveaux cas pour environ 700 décès.

Depuis 2007, la vaccination – obligatoire depuis 1950 – du BCG (Bacille de Calmette et Guérin) est suspendue dans l’Hexagone, au grand soulagement des pleurs enfantins !

En 1970, la tuberculose s’affichait encore.
Coll. A.-S. Simonet.

[1] La Montagne, 10 novembre 1920.

[2] Classée le 13 août 1921.

[3] Du bas latin sanatorius (propice à guérir), le mot est employé pour la première fois en 1842, en Angleterre, pour qualifier une « station de plein air ».

[4] Décrite pour la première fois en 1819 par René Laennec.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Simonet

Historienne de formation universitaire, Anne-Sophie Simonet arpente depuis des décennies le « petit monde » clermontois de la presse. Auteur d'une dizaine d'ouvrages, c'est en tant que président de l'association Les Amis du vieux Clermont qu'elle invite à cheminer dans sa ville natale, la plume en bandoulière.

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