Écouter Fabrice Planchat parler musique relève de la poésie, quel que soit l’angle sous lequel il aborde le sujet. Ses nombreuses activités et ses réflexions s’articulent autour d’un axe pivot, la problématique du son. Plus que luthier, musicien, directeur artistique, producteur ou toute autre activité connexe qu’il pratique avec dextérité, son art premier est l’architecture du son qu’il conçoit dans son universalité en tenant compte de paramètres insoupçonnés. Sa réflexion commence à partir de l’arbre qui fournit le bois pour fabriquer l’instrument pour se poursuivre aux confins de l’imaginaire…
Des années passées au violon
Fabrice Planchat apprend le violon alto au Conservatoire de Clermont. « Dès que j’ai commencé le violon, j’avais envie de fabriquer mon propre instrument. J’ai tout de suite côtoyé les luthiers de la région qui m’ont amené à me présenter à l’école de lutherie de Mirecourt dans les Vosges. On y rentrait sur concours après la 3ème à l’époque. Ensuite, c’est cinq ans d’études sur place avant de faire des stages ; une sorte de compagnonnage. » Ce cursus est validé par trois diplômes. D’abord le CAP au bout de trois ans. Puis, le Brevet de Technicien équivalant à un “bac lutherie”. Et enfin, au terme des cinq ans d’études, le Diplôme des Métiers d’Art que Fabrice Planchat obtient en 1993. Il ouvre son atelier en 1996 rue de la Treille avant de s’installer en 2000 un peu plus loin dans un espace plus grand, place de la Treille, à la place de Contrepoint. Aujourd’hui, il emploie cinq personnes, une secrétaire et quatre luthiers répartis sur ses deux ateliers, celui place de la Treille et l’autre à Paris, place de la Bastille. L’atelier à Paris répond aux besoins d’une clientèle internationale. Le luthier travaille pour l’Orchestre de Cordoue, l’Orchestre Royal de Belgique, l’Orchestre de la SWR de Baden-Baden, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre de Séoul, et plus encore. « On entretient les parcs instrumentaux des orchestres ou on s’occupe de l’entretien des instruments des solistes. »
Plus d’une corde à son violon
Le métier de luthier ne consiste pas uniquement à la fabrication d’instruments. La profession offre différents aspects. Fabriquer est en effet l’activité la plus connue. Autre axe de développement, la réparation et la restauration. « Certaines personnes ne vivent que de ça. Ça nécessite là aussi d’assimiler toute une connaissance. » Autre branche, la vente d’instruments de prestige. « Il faut être capable de dénicher l’instrument et de l’estimer pour le mettre sur le marché de la vente. » Il existe aussi une facette méconnue de la lutherie, l’expertise. « Il faut connaître le monde de la famille des violons, savoir de quelle école il provient, de quelle époque, qui l’a fabriqué et savoir estimer sa côte. » Fabrice Planchat exerce les quatre activités. Il a acquis l’expertise avec les années d’expérience, « mais de là à prendre l’étiquette expert est une responsabilité importante. Il m’arrive de faire des expertises pour les assurances. Mais ce n’est pas la branche qui m’intéresse le plus. Tout le monde se bat pour cette profession-là parce que c’est lucratif de faire des expertises facturées à 10 % de la valeur de l’instrument. N’est pas expert qui veut. Il faut des années pour mémoriser un maximum de données. Moi, ça ne m’intéresse pas. »
Son activité
Fabrice Planchat fabrique toujours, mais de moins en moins. « Cela demande beaucoup de concentration. Il y a des journées entières où il ne se passe rien. Ce qui n’est plus compatible avec ma vie actuellement. Je me réserve des périodes de fabrication. Je réalise au maximum trois instruments par an. » Il fait également de la restauration en privilégiant des instruments de prestige comme des Stradivarius, des instruments italiens du XVIIIème, de belles pièces « et puis je cherche beaucoup d’instruments pour faire de la vente. C’est passionnant de se voir confier la mission par un musicien de lui trouver l’instrument qui lui convient avec un budget donné. Je cherche l’instrument selon les critères définis par le musicien, son style de jeu, son style de musique. Les choix s’opèrent aussi selon la perspective des concerts. Quelqu’un qui fait le tour du monde va chercher un instrument plutôt fiable par rapport à un musicien qui tourne en France uniquement par exemple. Un musicien qui fait de la musique contemporaine va peut-être chercher un instrument plus moderne pour des questions de techniques de jeu. »
Le marché du violon
Si un Stradivarius vaut entre 3 et 4 millions d’€ en “entrée de gamme”, il faut tabler sur un budget de 700 € minimum pour acquérir un violon digne de ce nom, « un instrument sur lequel un luthier peut intervenir. » Les violons sont fabriqués en épicéa et en érable à partir de vieux arbres suffisamment larges avec des fibres bien serrées, fines et régulières. Rares sont les bûcherons à produire du bois de résonance pour la lutherie. « J’ai deux fournisseurs, un excellent bûcheron près de Besançon qui parcourt des centaines de kilomètres pour trouver des sujets qui répondent à la demande et un fournisseur allemand qui a des bois un peu plus vieux, peut-être d’un peu moins bonne qualité, mais qui ont l’avantage d’être tout de suite utilisables. Il faut attendre une dizaine d’années que le bois sèche avant de pouvoir l’utiliser. » Fabrice Planchat démontre, à sa façon, qu’une belle histoire se cache derrière chaque violon.
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