Alaska est touchant, captivant même, mais sans ménagement. Eryk porte des mots froids, accompagné de son piano et d’une orchestration luxuriante et discrète à la fois. Du risque de se laisser attendrir au plaisir de s’y répandre.
Les figures tutélaires
Eryk a des points communs avec William Sheller (“Elle avait pris ce pli” et “L’amour, la vie, le chat et moi” notamment) et ses orchestrations rappellent parfois l’ambiance orageuse de la Tournée des grands espaces d’Alain Bashung, particulièrement en concert avec la configuration de la scène et l’apport de la vidéo. « J’apprécie Sheller pour ses chansons qui mettent en avant sa qualité de musicien classique, d’orchestrateur et d’arrangeur hors pair. Mais en aucun cas, c’est quelqu’un que j’écoute au quotidien. » Eryk a été bercé par Brel, Ferré, Brassens, Ferrat ou Barbara. Sa source d’inspiration vient sans conteste de là. Pour Bashung, à chacun de faire sa propre opinion en allant le voir sur scène.
Des mots d’enfant
La chanson “Alaska” fait référence à un tragique événement qui fit la une des journaux du monde entier, le corps du petit Aylan Kurdi retrouvé mort sur une plage turque le 2 septembre 2015. « Ces images m’ont bouleversé. En voyant cette photo, je me suis demandé ce qu’on pouvait faire pour échapper à tout ça. Si on ne peut pas combattre ça, il faut s’en aller. » Eryk propose donc l’Alaska pour refuge. « Je ne suis pas dans une logique de fuite dans la vie. Ce n’est pas du tout ma tendance. J’essaie de lutter. Mais les murs, il faut les contourner et s’enfuir. » Cela étant dit, on parle d’un des morceaux les plus légers du disque. « À aucun moment je ne parle de souffrance. J’utilise des mots d’enfant pour cette chanson. »
Les chants les plus beaux
Les textes sont relativement sombres dans l’ensemble. Pour justifier cette teinte, Eryk emprunte à Alfred de Musset ces mots : “Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.”. « Ce qui me touche le plus, ce sont des textes qui font référence à la difficulté d’être et la difficulté de la vie. Même si je suis sensible à la beauté heureuse, ça m’inspire moins. » En plaisantant, Eryk impute ça à son ascendance juive polonaise du côté de son père et russe du côté de sa mère. Une forme d’atavisme en quelque sorte. « Plus sérieusement, c’est peut-être inhérent à mon quotidien professionnel de médecin anesthésiste. Je suis plus confronté à la souffrance des hommes qu’à leur épanouissement serein. C’est une source d’inspiration implicite. » Vous n’avez plus le choix, pour vos prochaines errances, destination Alaska !
Patrick Foulhoux
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