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Le 5 décembre 1804, la « garde nationale » du Puy-de-Dôme assiste au Serment de l'armée fait à l'Empereur après la distribution des aigles. © Jacques-Louis David, 1810, château de Versailles  
Chroniques

Des « Puydômois » sacrément impérialistes !

18 mai 1804 – Par sénatus-consulte, le Premier consul à vie Bonaparte est promu « Empereur des Français ». La nouvelle arrive à Clermont le 27 mai à coups de canons municipaux et circule à grand renfort de tambours et musiciens...

Rendez-vous six mois et demi plus tard, le dimanche 2 décembre, sous les voûtes de Notre-Dame de Paris. Dans une capitale en ébullition malgré une météo glaciale, le sacre de Napoléon Ier  réunit une foule immense. S’y mêlent des milliers de figurants venus des 108 départements de l’Empire après que chaque préfet a été sollicité pour acheminer des délégations dites « gardes nationales »[1] regroupées en brigades, elles-mêmes subdivisées en sections.

Réuni à celui de la Loire, du Cantal, de la Haute-Loire et du Rhône, le contingent du Puy-de-Dôme compte seize représentants : le capitaine commandant Monestier, les lieutenants Chevalier et Nicolas, de Clermont ; le sous-lieutenant Burin-Desroziers, de Latour-d’Auvergne ; le sergent-major porte-drapeau Ranvoi, d’Issoire ; le sergent Caquet, de Maringues ; les deux caporaux Imberdis-Pourrat (d’Ambert) et Jourde, de Riom ; les quatre grenadiers Massonnet (de Riom), Guillemot (de Thiers), Bravard-Faure (d’Arlanc) et Gagnon, d’Aigueperse ; et enfin quatre fusiliers : Pédières (d’Ardes), Chaix (de Pont-sur-Allier[2]), Duranton (de Montaigut) et Vacher-Choussy (de Billom).

Ces envoyés spéciaux effectuent le voyage à pied, du 16 octobre au 3 novembre, via Aigueperse, Saint-Pourçain, Moulins, Saint-Pierre-le-Moutier, Nevers, La Charité, Cosne, Gien, Nogent, Montargis, Nemours, Melun et Corbeil.  

« Les hommages respectueux de […] Clermont » 

Lestés de la grande revue organisée au Champ-de-Mars, le 5 décembre, et d’un dîner offert, le 9, au « Jardin de Tivoli » (rue de Clichy) par les représentants du département au Corps législatif et au Tribunat, ils repartent le lendemain comme ils étaient venus, pedibus ! Retour au pays le 28 décembre. En guise de consolation, une indemnité individuelle forfaitaire de cinq francs par jour leur est octroyée, soit pour les seize près de 6 000 francs (environ 59 000 € de pouvoir d’achat), une somme considérable qui donne une idée vertigineuse du coût global du sacre…

Dans leurs bagages mémoriels, un satisfecit signé Murat : « Ordre du jour du 18 Frimaire an XIII – Le maréchal de l’Empire, gouverneur de Paris, a eu souvent l’occasion d’entretenir l’Empereur du bon esprit qui animait les députations des gardes nationales et Sa Majesté l’a chargé de leur en témoigner sa satisfaction particulière. Le gouverneur de Paris y joint l’expression de la sienne et il espère qu’à leur retour dans leurs départements respectifs, les députés répandront parmi leurs concitoyens les sentiments d’affection, de zèle et de dévouement qu’ils ont si vivement manifestés pendant leur séjour à Paris. »

Antoine Sablon, le maire clermontois de Clermont (un négociant drapier né rue de l’Écu[3] en 1750), lui aussi « monte » à Paris en tant que représentant de l’une des trente-six principales villes de l’Empire. Le 26 Brumaire an XIII (17 novembre 1804), la municipalité en manifeste une vibrante fierté : « M. le Maire a exposé qu’il avait reçu des lettres closes à l’effet de se rendre à Paris assister au couronnement de sa Majesté impériale. Le conseil municipal, pénétré de reconnaissance pour la faveur dont la ville de Clermont a été honorée par Sa Majesté, a arrêté, à l’unanimité, d’inviter M. le Maire [à] présenter à S. M. l’Empereur les hommages respectueux de la ville de Clermont, [la] supplie de continuer ses bontés envers ladite ville et, afin de perpétuer d’âge en âge la mémoire du héros sauveur de la France, [la] prie d’accorder à ladite ville son portrait en pied pour être placé dans la salle des séances du Conseil Municipal. » Signataires : Sablon, maire, et Blanzat, Ricard, Forestier, Rousset, Chassaing, Chappel, Laporte, Terreyre aîné, Le Blanc, Pyrent, Bonnefoy, Chevalier, Louyrette.     

Beau-père d’un officier bientôt baron d’Empire, Sablon est un « fan » de Napoléon Ier.
Coll. A.-S. S.

« Frère » Sablon chevalier de l’Empire

Dans la foulée, sur proposition de Sablon, le conseil municipal décide que la nouvelle promenade ouverte à l’est de la cité s’appellera « cours Napoléon ». Grâce à la vente des biens nationaux, cette artère traverse les enclos des capucins et des visitandines – d’où sa première désignation de rue des Capucins – pour prolonger le boulevard du Séminaire (Trudaine). Clermont choisira de lui donner le nom de son initiateur, Sablon.

Impérialement généreux, Monsieur le Maire refuse que son déplacement en voiture soit, comme prévu, imputé au budget de sa ville. L’honneur fait à Clermont vaut bien quelques largesses, dont d’ailleurs Sablon est coutumier. C’est ainsi que ce FF en maçonnerie de Georges Couthon se retrouve, le 23 mai 1810, chevalier de l’Empire, armoiries à l’appui.

Davantage animé par une irrésistible curiosité que par un opportunisme politique jusqu’au-boutiste, un autre « Puydômois », de Saint-Amant-Tallende, parvient à se faufiler dans Notre-Dame parmi les « V.I.P. », revêtu d’un surplis lui donnant un air vaguement et nécessairement ecclésiastique ! 

 

 

[1]      Une anticipation du décret de 1806 qui restaurera la Garde nationale.

[2]      Canton de Pont-du-Château.

[3]     L’actuelle avenue des États-Unis.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Simonet

Historienne de formation universitaire, Anne-Sophie Simonet arpente depuis des décennies le « petit monde » clermontois de la presse. Auteur d'une dizaine d'ouvrages, c'est en tant que président de l'association Les Amis du vieux Clermont qu'elle invite à cheminer dans sa ville natale, la plume en bandoulière.

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