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David Ducreux / Photo DR
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Entretiens

David Ducreux, un Clermontois au pays des livres

Clermontois d’origine, David Ducreux s’est imposé comme un caractère incontournable de l’édition parisienne. Devenu le principal responsable presse des éditions Gallimard, il nous raconte sa vie, dans les livres et entre deux villes.

« La réalité, c’est que, jusqu’au lycée, je lisais vraiment très peu », rappelle David Ducreux, quand on lui demande d’évoquer son parcours. Avec son sourire facétieux, sa mystérieuse mini-cicatrice à la bordure du front, sa tenue chic, emblématique d’une élégance qu’il conserve jusqu’au cœur des vacances, le responsable presse Province, Étranger, Salons et Librairies de Gallimard a la vivacité, la finesse et le regard pétillant des gens passionnés… et passionnants. Rien ne prédestinait pourtant ce lycéen de Godefroy-de-Bouillon, titulaire d’un BAC STT Comptabilité-Gestion, à se retrouver, à 44 ans, tout en haut du service de presse de Gallimard… Ou même dans l’édition. Ou même, d’ailleurs, à Paris. La littérature entre dans sa vie lors de son année de seconde, « grâce à une professeure, Viviane Pagès » (qui a en effet marqué plus d’une génération d’amateurs et amatrices de lecture, dont l’auteur de ces lignes). « En fait, explique-t-il, c’est en voyant ce petit bout de femme, toute fine, petite, gentille, être capable de remettre à leur place en deux phrases bien tournées des gaillards épais et chahuteurs d’un mètre quatre-vingt, que j’ai pris conscience du pouvoir des mots… Et je me suis dit : « si j’arrive à maîtriser les mots, alors peut-être je pourrai m’en sortir dans ce monde »… Puis, la littérature a amené toute le reste : les questionnements, la philosophie, les horizons, la curiosité, la surprise… Et le jeu, puisque je me suis inscrit à l’atelier théâtre du lycée. Au début, c’était pour suivre une fille… Elle est vite partie mais, moi, je suis longtemps resté. »

Du Mazet au Châtelet

La seconde, c’est un peu tard pour s’intéresser aux livres en visant une filière littéraire. C’est du moins l’opinion du conseil de classe qui, en fin d’année, décide de son sort —en dépit de l’avis contraire de sa professeure de français. Voilà pourquoi il est plutôt aiguillé vers un bac STT. Mais à peine l’a-t-il obtenu qu’il s’inscrit à la fac de Lettres. « Et très vite, je me suis rendu compte que ça ne me convenait pas : tous ceux qui étaient là, globalement, visaient l’enseignement. Et moi ça ne
m’intéressait pas du tout, alors je me suis senti perdu assez vite. Je me suis mis à sécher les cours, aussi parce que je devais travailler à côté, au Quick, une activité que j’ai clairement privilégiée par rapport à mes études. » Il passe donc sa deuxième année à préparer des burgers et le concours d’entrée du DEUST Métiers du Livre, une filière professionnalisante en deux ans. Il le réussit et c’est là qu’il découvre la diversité des métiers de l’édition, de la librairie et des bibliothèques… « Une vraie révélation. Pour moi, il y avait un métier dans le livre, c’était le libraire. J’ignorais totalement l’existence de tout le reste ». L’un de ses professeurs, Daniel Martin, dont bien du monde a pu suivre la plume aiguisée dans ses chroniques littéraires de La Montagne, remarque le talent du jeune homme et
soumet son nom, pour son stage de fin d’études, à Gallimard. Après cette expérience, il embauche presque directement aux Presses Universitaires de France, au service Communication, où il reste jusqu’à retourner chez l’éditeur prestigieux en 2005, quand un poste se libère pour s’occuper, alors, du domaine parascolaire et de la collection Découvertes.

Ses mots à lui

Quand David quitte Clermont-Ferrand, après son DEUST, c’est la fin des années 1990. La ville alors n’est pas riante-riante, les sorties culturelles sont assez minces (la Comédie s’installait à peine, la Coopé tout juste) —et l’agglomération souffre encore de la réputation de, pour le dire poliment, « ville loin de tout ». L’arrivée à Paris eut donc tout du choc proverbial. « Tout était ouvert, tout le temps. Culturellement, j’ai pris tout ce que j’ai pu. J’ai réalisé que j’avais beaucoup à
rattraper… Et que l’édition, ayant par définition trait à tout, ça permet d’entrer partout. On rencontre tous ces gens qu’on voyait à la télé… On les accompagne sur les plateaux. Il n’y a jamais rien à faire… On écarquille tout le temps les yeux. » Aujourd’hui, alors que pas une semaine ne s’écoule sans qu’il doive se déplacer pour un salon dans l’une ou l’autre des régions du pays ou de nos voisins francophones (« c’est épuisant, c’est passionnant »), il revient très régulièrement en Auvergne. Retrouver sa famille, ses proches, et la ville de Clermont dont il constate le changement des dernières années : plus vivante, plus lumineuse, plus joyeuse. Mais si la ville a changé, pas lui : le lecteur invétéré, passionné d’art et de théâtre, l’adulte respecté qu’il est devenu, a su conserver la fantaisie, l’humour et la curiosité du jeune homme qui, par l’entremise d’un cours chahuté, d’une professeure aux yeux vifs et à la parole nette, d’un atelier théâtre et de ses prestations en amateur sur les planches de la région, est un jour entré en littérature pour n’en plus jamais sortir.

À propos de l'auteur

Julien Millanvoye

Écrivain, journaliste et chroniqueur, Julien Millanvoye a travaillé pour Blast, We Demain, Radio Nova, Ravages et Lui Magazine. Il est l’auteur de "Réveillez-moi, J’ai un Métier !" et "Vivent les Vents d’Hiver".

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