Voilà une question que vous ne vous êtes sans doute pas posée au petit déjeuner : sommes-nous des lapins blancs ?
Je pense bien sûr à Alice au Pays des Merveilles, où l’héroïne s’engouffre dans un monde parallèle complètement branque, en suivant un lapin blanc en costume trois-pièces et montre à gousset, qui est “en retard”, “a rendez-vous quelque part”, et court visiblement après le temps.
Courons-nous après le temps ?
Oui, bien sûr, notre société est speed, nous impose d’être plus rapides, plus efficaces, à coup de méthodes organisationnelles, de fibre numérique, ou de voitures électriques.
Question plus intéressante : de combien de temps disposons-nous ?
Revenons quelques instants sur l’écologie, puisque c’est le thème de cette chronique. Il me semble que la question de l’importance du sujet est globalement admise (on l’a vu dans plusieurs grandes villes aux dernières municipales). Certes pas par tout le monde, et il y a beaucoup de variantes, de points de détails non résolus, voire d’hypocrisie chez certains acteurs (qui disent une chose et font le contraire) … Mais, bon ! Pour la simplicité de l’argumentation, admettons.
En revanche, une chose n’est visiblement pas bien partagée : la question de l’urgence écologique et climatique. Quid si nous avions moins de temps que prévu ? Et même beaucoup moins ?
Une précision : je n’en sais rien, je ne fais que poser une question. Parce que les indices s’accumulent en faveur d’un horizon beaucoup plus proche qu’escompté.
Les prévisions du GIEC, par exemple, nous projettent en 2070 ou en 2100, avec des scénarios plus ou moins dramatiques. Mais ces dates sont si lointaines, elles ne mobilisent personne ou presque. Et avec tellement d’incertitudes ! On découvre encore tous les jours de nouvelles modalités de fonctionnement du climat.
Une chose acquise, en revanche, est ce qui est qualifié de Grande Accélération par l’équipe de recherche menée par Steffen et McNeill en 2007. En substance, il s’agit de l’explosion des flux d’énergie et de matière sur Terre depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et ses conséquences sur la biosphère. C’est une des principales bases concrètes de la théorie de l’Anthropocène, la nouvelle ère géologique marquée par l’impact de l’homme sur la planète.
En d’autres termes : tout s’accélère, et ça continue – même si on observe des ralentissements ou des pauses, parfois (grands barrages, perte d’ozone …). La tendance est néanmoins marquée. Je vous ajoute le graphique “miroir” du précédent – beaucoup de graphiques aujourd’hui, mais ils aident quand même à mieux comprendre cette histoire de temporalité. A noter que ces deux graphiques représentent des données arrêtées en 2010.
En face, nous avons les “limites planétaires”, le fait que la planète a une capacité naturelle de régénération et de résilience … limitée. D’où le “jour du dépassement”, cette date à partir de laquelle, chaque année, nous avons consommé plus que ce que la Terre peut reconstituer en un an (on arrive, hors Covid-19, à fin juillet).
Donc ? “Do the maths” comme diraient nos amis anglo-saxons : peut-on poursuivre une croissance infinie (et qui s’accélère) dans un monde fini ? Que se passera-t-il si la dégradation déjà engagée de l’environnement n’est pas, elle non plus, linéaire ? Et la question du lapin blanc : quand faudra-t-il passer devant le tribunal de la Reine de Cœur ?
Pour mieux comprendre les enjeux climat/énergie, je vous propose un “petit jeu”, en l’occurrence un atelier ludique et collaboratif : la Fresque du Climat. Elle a lieu gratuitement pendant 3 heures, deux fois en juillet puis à partir de septembre, sur Clermont. Renseignements et inscriptions sur Tikographie.
Pour en savoir plus sur l’anthropocène, voir le laboratoire Origens et l’équipe de recherche autour de Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin à l’ESC Clermont.
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